Le palais de Pavlovsk, situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Saint-Pétersbourg, fait partie des palais russes occupés par les nazis entre 1941 et 1944, au moment du blocus de Léningrad. Premier palais à être entièrement restauré, il est entouré du plus grand jardin d’Europe, un parc à l’anglaise qui s’étend sur 600 hectares !
Catherine II fit cadeau de ces « 362 arpents de terres composées de forêts, de champs et de deux villages de paysans » à son fils Paul Pétrovitch, à l’occasion de son mariage avec Sophie Dorothée de Wurtemberg, la future impératrice Maria Feodorvna (1759-1828). En 1781, il fut décidé d’édifier un grand palais de pierre, travail confié à Charles Cameron, architecte préféré de Catherine II, admirateur de l’Italie et en particulier des oeuvres de Palladio.
En 1790, Pavlovsk devint la résidence d’été officielle de Paul Ier et abritait les réceptions officielles en l’honneur des monarques étrangers. Ce palais était devenu un des plus beaux domaines aussi bien de Russie que d’Europe, jusqu’à l’invasion allemande de 1941. Les nazis firent subir de graves déprédations au parc : 10’000 arbres abattus, pavillons et ponts détruits.
Passé les portes égyptiennes de la ville de Pouchkine, baptisée Tsarskoye Selo jusqu’en 1917, le visiteur est ébloui par la majesté de l’ensemble en forme de fer à cheval, avec au meilleur de la cour d’honneur, une statue de Paul Ier. Le bâtiment carré central, couronné d’une coupole, est encadré de deux ailes en arc de cercle, aux tons pastels, sur le modèle d’une villa palladienne.
L’intérieur du palais a été conçue par l’épouse de Paul, Marie Feodorovna, au tempérament artistique, qui se plaisait beaucoup à Pavlovsk. Une rotonde italienne est située au centre du palais sur deux niveaux éclairés par la coupole avec un lustre central en cristal de Russie. Lors de leur voyage en Europe, les époux rapportèrent de nombreuses acquisitions pour décorer Pavlovsk.
En France, ils achetèrent des tableaux d’Hubert Robert ou un petit portrait de jeune femme par Jean-Baptiste Greuze que l’on retrouve actuellement dans le palais. Marie-Antoinette et Louis XVI leur firent aussi de magnifiques cadeaux, comme un grand service de toilette décoré d’armoiries.
Tout dans ce palais est raffinement et splendeur, élégance et harmonie. Hall d’entrée du corps principal du château, le vestibule, dit égyptien, s’inspire de l’Antiquité. Cette salle, due à Cameron et réalisée entre 1785 et 1786, offre un plafond en trompe l’oeil, orné de fresques relatives aux quatre saisons.
Cheminées en marbre de Carrare, tentures et broderies délicates, salles aux influences néo-classiques, égyptiennes, grecques, italiennes, salle des Chevaliers, salle Empire… La monumentale et majestueuse salle du Trône, avec ses 400 m² et belles peintures au plafond, ne servit que pendant le court règne de l’empereur Paul 1er et fut par la suite utilisée comme salle de banquets.
Le trône de Paul 1er fut commandé et réalisé par Jacob, célèbre menuisier français spécialiste réputé en sièges du XVIIIème : pieds en carquois, mufles de lion, feuilles de chêne et gerbes de blé, cornes d’abondance et le chiffre entrelacé de Paul 1er et de Maria Feodorovna surmonté d’une couronne impériale.
Le petit cabinet a joué un rôle historique : le pare-feu, placé alors dans la chambre à coucher de Paul au château Saint-Michel à Saint-Petersbourg, servit à ce dernier à se cacher lorsque les officiers entrèrent, mais ses pieds étaient restés visibles. Maria Feodorovna, sa veuve, le plaça alors en évidence au palais Pavlovsk, notamment pour son fils Alexandre, comparse silencieux du drame.
On peut voir dans certaines salles des décorations murales abîmées par les déprédations nazies et leurs pendants après restauration, ainsi que des photos montrant les ruines des salles du palais.
Le tableau de Pierre le Grand
C’est un portrait de Pierre Ier exécuté du vivant de l’empereur par Johann Gottfried Tannauer. Ce portrait orne le petit cabinet de travail de Paul Ier (l’arrière-petit-fils de Pierre) dans le palais de Pavlovsk. Qu’on puisse le voir aujourd’hui relève du miracle. Comme il n’y avait plus de caisse assez grande pour l’emporter, ce portrait n’a pas pu être évacué avant l’arrivée de l’ennemi. Après le départ des Allemands, le portrait avait disparu. En mai 1944, plusieurs peintures en mauvais état ont été trouvées dans une maisonnette située dans un petit village, à quelques kilomètres de Pavlovsk. En déroulant une des toiles, on découvre le portrait de Pierre Ier provenant du palais de Pavlovsk. Le tableau a été découpé du cadre, la toile est lacérée de coups de couteaux et des injures ont été écrites en allemand. Depuis, le tableau a été restauré, mais on peut encore voir les traces laissées par les vandales.
La bibliothèque
Comme tous les palais impériaux, Pavlovsk possédait une bibliothèque. La collection d’ouvrages a d’abord été constituée par l’impératrice Catherine pour servir à l’éducation de l’héritier du trône, parmi lesquels notamment un tome de l’Encyclopédie. La salle est achevée en 1824 : plusieurs tables de travail, étagères basses avec vitrines le long des croisées, grands corps de bibliothèque adossés aux murs, six tapisseries françaises reprennent les motifs des Fables de La Fontaine… Le bureau du prince est surmonté d’une maquette de temple antique et d’un grand portrait de la tsarine. Outre la petite bibliothèque de voyage donnée par l’impératrice à son fil, la collection comptait plus de 20’000 volumes dans les années 1828. La collection de Pavlosk a fait l’objet d’un catalogue, mais avant la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’ouvrages ont été mis sur le marché par le Gouvernement russe. On les retrouve, aujourd’hui, dans d’autres collections, ou chez des antiquaires.
Le parc délicieusement bucolique
Très vaste, articulé autour du vallon de la rivière Slavianka, le magnifique jardin encadre le palais de Paul Ier et s’étend sur une superficie de quelque six cents hectares marqués par la diversité de ses paysages. Les barrages construits au fil des aménagements permirent de relever le plan d’eau et de ménager de nombreux étangs. Tous les architectes de Pavlovsk, tels Brenna, Rossi, Violier, ont participé à ce décor en aménageant des ponts ou des fabriques. Statue d’Apollon musagète, colonne de la « fin du monde », Monuments aux chers parents, le lac Rond, le temple de l’Amitié, la Grande Cascade, le Vieux Chalet…
On se promène avec bonheur le long des sentiers ombragés, des collines et des prés, s’arrêtant au rythme des nombreux pavillons – comme celui des Trois Grâces, Pavillon Laiterie, Pavillon Volière avec copie de la Vénus de Canova –, de ses cascades, de ses statues, copies d’originaux antiques, et de ses colonnades… Johann Strauss se produisit dans la Maison de musique du parc.
Détruit pendant la guerre, le Vauxhall ou Kursaal de musique comprenait une salle de banquet et une salle de concert. Il fut inauguré le 22 mai 1838. Aujourd’hui un mémorial est érigé à sa place.
La cathédrale Féodorovsky
La cathédrale Féodorovsky est une église collégiale située dans le parc de la Ferme, à proximité de Pouchkine (Tsarskoïe Selo), non loin du palais Pavlovsk. Construite en 1909-1912 en tant qu’église familiale de la famille impériale et comme église de la garde personnelle de l’empereur et du régiment d’infanterie de Tsarskoïe Selo.
L’empereur Nicolas II et son épouse Alexandra ont financé une partie des travaux sur leurs fonds personnels et se rendaient souvent sur les lieux pour suivre les travaux. La première pierre de l’édifice a été bénite le 20 août 1909, et en 1910 la croix de la coupole est bénite et les cloches installées. Selon l’heure de visite de ce lieu insolite, on peut profiter du son de ces cloches, concert impromptu en plein air donné par un carillonneur… La cathédrale Féodrovsky est inscrite au patrimoine des Monuments fédéraux protégés depuis 1995.
La somme totale des travaux s’élevait à un million cent-cinquante mille roubles, ce qui représentait un chiffre considérable. Outre les dons de la famille impériale, on fait appel à des souscriptions auprès des classes fortunées de marchands ou d’entrepreneurs.
Cinq ans plus tard, il fut décidé de construire un village dans le style néorusse. Cet ancien bâtiment est depuis tombé en ruine et laissé à l’abandon, tout comme l’ancien bâtiment de la gare de Tsarskoye Selo. Le 22 mai 1838, Johann Strauss vint diriger un orchestre en gare de Pavlovsk, le jour de l’inauguration de la ligne Saint-Petersbourg-Pavlovsk.
Textes et photos : Françoyse Krier
