Dürer, Watteau, Monet, Bonnard, Picasso, Fragonard, Matisse, Klimt…
Jardins se veut un modeste écho à la phrase, souvent reprise mais essentielle, de Foucault : « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde ». L’engouement que suscite le patrimoine vert en France ne se dément pas, avec aujourd’hui 22’000 parcs et jardins présentant un intérêt historique, botanique ou paysager, dont près de 2’000 sont inscrits ou classés au titre des monuments historiques.

Jardins considère à la fois l’histoire de l’art des jardins et l’histoire des expositions sur ce thème, qui n’a que rarement retenu l’attention des institutions culturelles. Le jardin, monument vivant, par nature changeant, éphémère et in situ, n’est-il pas l’objet par excellence d’une exposition impossible ? Les liens entre le musée et le jardin sont en vérité étroits. Lieux de savoir et de plaisir, qui naissent, grandissent et meurent, ils sont aussi un espace que peut arpenter, à son rythme, le visiteur.
Le sujet est étudié dans sa définition essentielle : comme enclos, entité délimitée au sein d’un territoire, espace mis en scène et donc miroir du monde. Présenté dans les Galeries nationales du Grand Palais, ce rassemblement pluridisciplinaire de peintures, sculptures, photographies, dessins, films, etc., n’est ni une histoire complète de l’art des jardins, ni un état des lieux qui prétendrait à l’exhaustivité.

Roman art: Garden with herms and fountain. Pompeii, Casa del Bracciale d'Oro*** Permission for usage must be provided in writing from Scala.

Jardins se concentre sur les expérimentations menées en Europe – et plus particulièrement en France – de la Renaissance à nos jours. Le parcours thématique, où s’entremêlent l’histoire de l’art et celle des sciences, est construit comme une promenade où le jardin « réel » – ni littéraire, ni symbolique, ni philosophique – est entendu à la fois comme ensemble botanique et construction artistique. Cette exposition « jardiniste » entend défendre le jardin comme forme d’art et ses créateurs comme artistes.

 

De la petite touffe d’herbe d’Albrecht Dürer au « jardin planétaire » de Gilles Clément, les jeux d’échelles constituent un fil rouge de ce parcours. La visite commence avec la terre, prélude à un vaste ensemble qui met à l’honneur les éléments premiers et le vocabulaire des jardins. Une sélection d’œuvres aux formats et aux matériaux divers évoque Gustave Klimt…

Echantillons de sols, fleurs et fruits en verre et en plâtre, outils de jardiniers, feront l’objet d’un accrochage dense aux allures de cabinet de curiosité. L’herbier, entendu comme un jardin sec, sera au cœur de ce premier ensemble placé sous le signe de l’inattendu.

Qu’il soit décomposé, analysé, représenté ou imaginé, le jardin est toujours pensé en lien avec une figure dont la présence rythme l’ensemble du parcours : celle du jardinier. Peint, sculpté, photographié, ce dernier est mis à l’honneur, depuis les premiers croquis jusqu’aux outils du travail quotidien. Le temps de la conception est abordé grâce à un rassemblement de dessins et de plans.

Vus à vol d’oiseau, lieux de rassemblements, du grand domaine royal au parc public, les jardins sont montrés dans leur dimension collective, évoqués à travers l’histoire de leurs formes et de leurs usages. Lieux de fête et d’amour, de mélancolie et de destruction, soumis aux changements de modes et parfois laissés à l’abandon, ils font l’objet de transferts culturels intenses et sont, par excellence, une forme d’art marquée par l’ambivalence et le passage du temps.

Au sein de cette histoire, plusieurs temps forts sont privilégiés. Le XVIIIe siècle, incarné dans l’exposition par le chef-d’œuvre de Fragonard, La Fête à Saint-Cloud, occupe une place essentielle dans le parcours. De même, le tournant des XIXe et XXe siècles, où représenter le jardin devient, pour les artistes, un moyen de mieux appréhender les contours d’un monde changeant.

 

Une promenade qui réunit certaines des plus grandes représentations de jardins de cette période propose au visiteur un parcours immersif parmi des tableaux sans personnage. De la terre au jardin planétaire, le parcours prend de la hauteur et s’achève sur l’image, encore à définir, du jardin de demain et des nouveaux paradigmes artistiques, botaniques et sociaux qui le façonnent. L’exposition entend ainsi mettre à l’honneur ceux qui, notamment en France, constituent depuis plus de trente ans une génération d’exception : jardiniers, paysagistes, auteurs d’initiatives inédites où le jardin est travaillé pour son usage écologique et social…

En regard, 80 photographies présentées jusqu’au 23 juillet 2017 sur les grilles du Jardin du Luxembourg témoignent de l’intérêt patrimonial du jardin au travers de grands noms de la photographie ainsi que de sa valeur artistique à travers l’objectif du photographe Jean-Baptiste Leroux, reconnu pour son travail sur les jardins labellisés « Jardin Remarquable ».

www.grandpalais.fr

Jardins – jusqu’au 24 juillet 2017 au Grand Palais – Paris / Galeries nationales 

Visuels : Vue de l’exposition Jardins – Scénographie Laurence Fontaine © Rmn-Grand Palais / Photo Didier Plowy / Peinture de jardin Pompéi, maison du Bracelet d’Or 30-35 après J.-C. fresque ; 200 x 275 cm Pompéi, Ministero dei beni e delle attività culturale e del turismo Soprintendenza Speciale © 2017. Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali / Emile Claus Le Vieux jardinier 1885 huile sur toile ; 216 x 140 cm Belgique, Liège, Musée des Beaux-Arts / La Boverie © Liège, Musée des Beaux-Arts – La Boverie / Paul Cézanne Le jardinier Vallier vers 1906 huile sur toile ; 65,4 x 54,9 cm Royaume-Uni, Londres Tate, bequeathed by C. Frank Stoop, 1933 © Tate, Londres, 2017 / Albrecht Dürer Ancolie milieu des années 1490 (?) aquarelle et gouache, rehauts de blanc couvrant sur parchemin très fin et lissé ; 35,6 x 28,7 cm Autriche, Vienne, Albertina © Albertina, Vienne / Patrick Neu Iris 2002 aquarelle sur papier 38 x 29 cm France, Paris Courtesy Galerie Thaddaeus Ropac Paris/Salzbourg © Patrick Neu, Adagp, Paris 2017 -Photo Charles Duprat / Affiche de l’exposition © Rmn-Grand Palais, Paris 2017 / Yann Monel La Fable du jardin (détail) installation images – voix suite de 53 images argentiques de 31 jardins 48 x 38 cm chaque photographie © Yann Monel

 

Vous avez aimé cet article?