
Il s’appelait Emmanuel Radnitsky, cet insaisissable homme lumière, photographe reconnu, peintre, dessinateur, assembleur d’objets, sculpteur, écrivain et cinéaste : le parcours de cet artiste inclassable Man Ray, Maître des Lumières, puisqu’il s’agit de lui, au Palais Lumière d’Évian – jusqu’au 5 novembre 2023 – invite à la découverte de plus de 480 œuvres et documents à travers un parcours dynamique mêlant projections, sonorisations, chansons et paroles de Man Ray. Le tout dans l’effervescence du mouvement dadaïste et du surréalisme… Le pseudonyme choisi se compose de deux syllabes : « Man », homme (diminutif de Manny, son surnom d’enfance) et « Ray », le rayon de lumière.
A travers un véritable travail de création, le scénographe Frédéric Beauclair et les commissaires de l’exposition ont mis en scène une histoire au fil de l’exposition, imaginant une ambiance pour emmener le visiteur dans une lumineuse exploration.
A voir également jusqu’au 19 novembre 2023 à La Banque, musée des Cultures et du Paysage à Hyères, Var – France : Man Ray, le beau temps – exposition labellisée d’intérêt national organisée en partenariat avec la ville d’Évian (encadré ci-dessous).
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Man Ray, n.m. syn. de Joie, Jouer, Jouir . Définition donnée par Marcel Duchamp
Si ses photographies telles que Le Violon d’Ingres ou Noire et Blanche sont mondialement connues, l’étendue artistique de l’œuvre de cet artiste complet demeure mal ou méconnue. L’exposition Man Ray, Maître des Lumières, qui lui est consacrée cet été au Palais Lumière d’Évian invite à la découverte de cet artiste polyvalent. Comme toujours dans le cadre des expositions du Palais Lumière d’Évian, la scénographie regroupe tous les aspects de création de l’artiste, dans une succession de 12 sections. Dès l’entrée, un mobile composé de cintres blancs, intitulé Obstruction, “bien pratique pour ceux qui ont beaucoup de costumes”, disait le Maître, dans cet esprit de dérision qui était le sien. Cette suspension répand sur le mur une vaste ombre semblable à des tiges ligneuses de bambou entremêlées, comme finement exécutées au lavis.

Une exposition de photos, mais pas seulement…
Man Ray, Maître des Lumières, c’est aussi l’exposition d’un univers artistique et d’une période très intéressante du dadaïsme et du surréalisme.
« Man Ray est quelqu’un de très construit qui aimait énormément les sciences : toute son œuvre est construite autour de la science et des sciences et en même temps un esprit rebelle », explique Marie-France Roudier, médiatrice culturelle référente au Palais Lumière.
D’origine russe, les parents du jeune Manny – père tailleur, mère couturière – fuient les pogroms, de Philadelphie à New York. En 1913, toute la famille change de nom pour s’appeler désormais Ray. Man Ray se rend souvent dans des galeries où il découvre Picabia, Picasso. En 1915, il rencontre Marcel Duchamp avec lequel se créera une amitié à vie. Rencontre autour d’un jeu d’échecs, qui sera presque un personnage à part entière. Les deux artistes gardent leur liberté de penser, de créer…
1921 : découverte de Paris où il est accueilli avec les honneurs par le fameux groupe surréaliste, quartier Montparnasse. Il devra fuir Paris en 1940, reviendra en 1951 et après sa mort en 1976, sera enterré, aux côtés de Juliet, dans la Ville Lumière dont il était tombé amoureux.
Man Ray va flouter, voiler, superposer, tout expérimenter…
Précurseur, Man Ray est l’un des premiers à utiliser la photographie, faisant de cette technique un art. En 50 ans d’activité, des milliers de personnes sont venues se faire tirer le portrait dans son studio parisien : ses amis dadaïstes et surréalistes (Strawinski, Montand, Hemingway, Gertude Stein devant son portrait par Picasso, Derain, Satie…), les artistes de Montparnasse, les Américains de passage à Paris, le Tout-Paris de la mode, du spectacle et du cinéma. Il sera proche de Cocteau et de Breton, de Desnos, avec qui il tournera un film : L’Etoile de Mer… En liaison avec le mouvement Dada européen, Duchamp et lui éditent l’unique numéro de « New York Dada », qui n’attire que très peu l’attention. Déçu et désabusé, Man Ray en conclut que « Dada ne peut pas vivre à New York ».
Ayant toujours l’obligation de gagner sa vie, Man Ray accepte des collaborations avec la mode, la publicité : pour une marque de cosmétiques, publicité pour la “fée Electricité”, des portraits comme celui de Marcel Proust sur son lit de mort. Ses photographies de mode ont été publiées dans des magazines mondialement connus tels que Vanity Fair, Vogue (édition française) et Harper’s Bazaar.
Ce sont les lignes qui intéressent Man Ray photographe, qui essaie d’attraper un détail, de profiter d’un contrejour. Rien de classique ou de figuratif, toujours un travail dans la dérision ou l’humour…
La mode : à l’époque, le dessin de mode est plus utilisé que la photo. Une fois encore, Man Ray va moderniser les choses. Il travaillera avec Paul Poiret, Coco Chanel, Elsa Schiaparelli
Man Ray et ses muses
1921, il rencontre Kiki de Montparnasse, la Parisienne, qui deviendra sa maîtresse, sa muse. Elle dessine, peint et pose pour les peintre.
La belle américaine, Lee Miller, new yorkaise, photographe de guerre de grand talent, arrive à Paris et souhaite rencontrer Man Ray. Entre 1929-32, le couple d’artistes travaille ensemble, notamment d’après solarisation. Elle le quitte en 1932, ce qui vaudra à Man Ray, malheureux, une période de dépression.
Très ami avec la Suissesse Meret Oppenheim, il réalisera avec elle une série de photos érotiques. Puis il tombera amoureux d’Addy, jeune guadeloupéenne, surnommée “la première modèle noire” (pour Vogue). Il photographiera aussi Dora Maar, peintre et photographe, l’une des compagnes de Picasso lequel lui offrira la maison de Ménerbes, dans le Luberon, en guise de cadeau de rupture; et Nusch, compagne d’Eluard, qui sera le sujet d’une série de photos de nus, solarisés par Man Ray et modèle d’une série de portraits et de photomontages surréalistes de Dora Maar.
Sa dernière muse, la jolie Juliet rencontrée à Holywood lui sera dévouée corps et âme : elle l’adore et l’admire en tant qu’artiste.

Image : Telimage, Paris

© Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris [2023]. Image : Telimage, Paris
Le Maître des Lumières
C’est ainsi qu’est nommé Man Ray
lors de l’Exposition Internationale du Surréalisme à Paris, en 1938.
L’exposition Man Ray, Maître des Lumières met aussi en avant le travail moins connu de l’artiste : ses peintures, ses dessins, ses assemblages, ses lithographies et ses objets. Parmi ceux-ci, on retrouve Cadeau, une sculpture représentant un fer à repasser en fonte dont la semelle est garnie de 14 clous. L’idée lui est venue en passant devant une quincaillerie. L’objet sera dérobé, mais Man Ray, n’ayant pas le culte de l’objet unique, en refera un autre. Une robe sera repassée avec ce fer clouté. Déchirée, elle deviendra une robe-aération… “Je travaille sérieusement mais je ne me prends pas au sérieux…”, affirmait-il.
Man Ray, Maître des Lumières
Jusqu’au 5 novembre 2023
Palais Lumière Evian – Quai Charles-Albert Besson
Ouvert tous les jours 10 h – 18 h (lundi-mardi : 14 h – 18 h)
Törl. : 33 (0)4 50 83 15 90
www.ville-evian.fr
Man Ray, le beau temps
La Banque, musée des Cultures et du Paysage – 83400 Hyères – Var-France – Jusqu’au 19 novembre 2023
Une exposition labellisée d’intérêt national organisée en partenariat avec la ville d’Évian
Tableaux, dessins, films, œuvres en trois dimensions témoignent de l’influence de la lumière et des paysages du Sud dans la carrière de l’artiste surréaliste ainsi que des photographies des différents séjours de Man Ray dans le sud de la France, lors de séjours à la plage ou de repas entre amis. Les protagonistes sont Pablo Picasso, Paul et Nusch Éluard, Dora Maar, Roland Penrose ou encore Ady Fidelin à Mougins, Antibes et Juan-les-Pins. Lors de ces séjours, Man Ray en profite pour faire des tests avec les nouvelles pellicules couleurs (photo et film), qui lui ont été données par Kodak.
Le film La Garoupe, en couleur, fait lors de l’été 1937, montre la vie de ce groupe, réuni autour de Picasso qui peindra 6 tableaux représentant les femmes présentes lors de ces vacances. C’est à la suite de ces moments passés dans le sud, en rentrant à Paris en septembre 1937, que Man Ray et Paul Éluard vont terminer leur œuvre commune, Les Mains libres.
La Banque, musée des Cultures et du Paysage // 14 avenue Joseph Clotis // 83400 HYERES Var – France
tél. : +33 4 83 69 19 40 / musee@mairie-hyeres.com
Horaires :
De juillet à août : mardi au vendredi de 10h à 13h et de 15h à 19h // samedi de 15h à 19h et dimanche de 10h à 13h
De septembre à juin : mardis, jeudis, vendredis, dimanches de 14h à 18h // mercredis et samedis de 10h à 13h et de 14h à 18h
Gratuit le premier dimanche de chaque mois