Avec sa Manufacture toujours installée sur son site d’origine en Lorraine, ses archives et son patrimoine muséal inestimable, la plus prestigieuse cristallerie au monde est une fabuleuse source d’inspiration pour ses collaborateurs, et tous les esthètes en quête d’exception. 

baccarat-manufacture -laurent-parraultLes gestes opérés avec amour ont peu changé depuis l’établissement de la cristallerie Baccarat : bras, bouche, main, âme du verrier, du tailleur, du graveur, du doreur, sont entièrement engagés dans la métamorphose de la matière archaïque en cristal lumineux. Le savoir-faire n’est pas figé mais il évolue harmonieusement en fonction des progrès technologiques. Le savoir-faire de Baccarat constitue un patrimoine esthétique et industriel incomparable.

Cristal, synonyme d’éternité…
Seul peut être qualifié de « cristal » un verre dont l’indice de réfraction est égal ou supérieur à 1,545 et qui contient 24% de minium (ou oxyde de plomb). On l’obtient en mélangeant trois parts de silice, deux parts de minium, une part de potasse, trois parts de groisil (du cristal recyclé) et quelques autres substances, le tout étant porté à fusion à plus de 1’100°, puis débarrassé de toutes les impuretés, à plus de 1’450°. Le premier cristal de plomb fut produit pour la première fois à la fin du XVIIe siècle en Grande Bretagne : les verreries anglaises étaient obligées d’utiliser du charbon pour alimenter les fours, afin de réserver l’exploitation des forêts aux chantiers navals de sa Majesté. Le charbon provoquant une coloration indésirable du verre, l’idée est venue d’incorporer du minium de plomb comme fondant minéral.

Le cristal au plomb était né. Pur, dense, offrant un tintement à nul autre pareil lorsqu’on le frappe, le cristal est paré de nombreuses vertus : une âme de cristal, une voix cristalline…

baccarat-manufacture -ouvriers photo françoyse Krier baccarat-manufacture -travail du verre photo françoyse KrierOn dit qu’il faut 15 ans pour qu’un verrier dompte et apprivoise le processus de fabrication du cristal : il « cueille » au moyen d’une canne métallique le cristal chauffé à 1’250° dans un creuset en argile placé dans le four ;  fait tourner sans arrêt la canne et répartit la masse vitreuse alors qu’elle refroidit au contact de l’air, devenant pâteuse. Il faut souffler pour former une boule, rouler cette boule sur le marbre en continuant à souffler doucement, ébaucher la forme à l’aide d’instruments rudimentaires : la palette de bois, la pince qui étire la pâte de cristal, le compas avec lequel on vérifie les mesures, la paire de ciseaux et le pontil, grâce auquel la pièce est détachée de la canne et amenée dans l’arche de recuisson, où elle refroidira sur un tapis roulant, en franchissant des paliers de températures décroissantes. A la sortie de l’arche, les pièces sont acheminées vers la « taillerie », où les tailleurs passent l’objet à la meule de fer, sous un filet continu d’eau et de sable.

Gravure, dorure, des étapes ultérieures
La technique de gravure à la roue apparut chez Baccarat en 1839, et se pratique à main levée avec un stylet muni de petites roues de cuivre qui creusent le cristal. Le procédé de gravure à l’acide mis au point en 1864 permet d’autres types de décors, notamment les arabesques.
La dorure en relief,  mélange de poudre d’or et de liant, est appliquée au pinceau sur un émail mat recuit. La dorure est souvent appliquée sur les commandes prestigieuses, notamment les services armoriés. Magnifier le cristal, créer un chef-d’œuvre intemporel, telle est la vocation des artisans d’élite de la maison Baccarat. C’est ainsi que des pièces exceptionnelles ont été produites, témoignant de ce savoir-faire unique. Ce patrimoine est conservé au sein de la Manufacture et fait l’objet d’expositions régulières.

baccarat-manufacture - verre jaune photo françoyse Krier baccarat-manufacture - surveillance verre photo françoyse Krier baccarat-manufacture - verres rouges photo françoyse KrierLa « Manuf » et le pot
C’est ainsi que les ouvriers et leurs familles évoquent la Manufacture… Sans le souffle, l’œil, la main, l’ardeur des hommes et des femmes présents sur le site,  Baccarat ne serait rien. La communauté des artisans de la Manufacture compte 25 Meilleurs Ouvriers de France, un record national toutes maisons de luxe confondues.
La date de 1765 figure sur la façade de l’usine à côté des armes de Baccarat, car c’est l’année où les quatre premiers fours de la verrerie ont été allumés. En 1817, après la transformation de la verrerie Sainte-Anne en cristallerie, 3’000 personnes travaillaient sur le site ; les ateliers employaient 300 verriers autour de quatre fours à pots.

En 1896, fut construit le « four russe », exclusivement affecté à la réalisation de commandes spéciales pour la Russie. 1’000 personnes y étaient employées. Aujourd’hui, la halle de fusion comprend trois fours à bassin et un four à pots qui brûle jour et nuit depuis 1920. Baccarat est une des dernières cristalleries à posséder une poterie en interne. Chaque pot contient environ 800 kg de cristal, et a une durée de vie de 6 mois.

baccarat-manufacture - fabrique couvercle verre photo françoyse Krier baccarat-manufacture - fabrique lampe pampilles verre photo françoyse Krier baccarat-manufacture - four photo françoyse KrierCe pot, c’est le berceau du cristal où s’élabore la transmutation de la poussière en pureté… Le pot est rempli au crépuscule avec les différents composants qui donneront le cristal (silice, groisil, oxyde de plomb, carbonate de potasse, produits chimiques divers). La fusion, l’affinage et la braise ont lieu durant la nuit, afin que les verriers trouvent à l’aube une pâte de cristal parfaite qu’ils travailleront jusqu’à ce que le pot soit vide.

Le cristal en fusion est « cueillé » dans le four, puis mailloché et soufflé dans un moule pour former l’objet recherché. L’épreuve déterminante est la vérification par la « choisisseuse », une ouvrière qui observe chaque pièce, marquant au feutre rouge les imperfections. Les pièces agrées sont alors taillées, polies, gravées à la roue ou sablées, dorées, et enfin estampillées avant de rejoindre leurs célèbres boîtes rouges…

Baccarat sera la première manufacture à s’adapter à la révolution de la « Fée Electricité » : elle électrifie ses modèles de lustres et candélabres dès 1896 en développant un modèle de branches creuses.

baccarat-manufacture - verrière photo françoyse Krier baccarat-manufacture - verrier - four photo françoyse KrierLes archives, trésor patrimonial
Au sein de la Manufacture, un local renferme les archives Baccarat, sources d’inspiration permanente pour les designers d’aujourd’hui. Ce ne  sont pas moins de 65’000 moules, moulages en plâtre et prototypes d’atelier, plus de 200’000 dessins remontant à l’origine de la Manufacture, livres de commandes prestigieuses, catalogues commerciaux depuis 1830 et albums de photographies.

La Manufacture Baccarat est un inestimable témoignage de l’architecture industrielle verrière héritée du XVIIIe siècle, ainsi qu’un pan précieux de l’histoire de la cristallerie d’aujourd’hui et de demain.

(Texte : Dp & Françoyse Krier  / Photos : Françoyse Krier – sauf photo du haut : Baccarat manufacture © Laurent Parrault)

www.baccarat.fr

Voir aussi :

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Baccarat, berceau lorrain du savoir-faire des artisans du cristal

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