Nohant maison de George Sand entrée

Nohant est une demeure robuste et hospitalière, dans laquelle George Sand a vécu et où elle a reçu ses nombreux amis. Elle a écrira quelques-uns de ses romans inspirés par la Vallée noire. Chopin y a composé ses plus belles pages musicales. Delacroix avait son atelier.

La grand-mère de George Sand, Mme Dupin de Francueil, avait acheté en 1793 ce petit château du XVIIIème, non loin de La Châtre. La jeune Aurore y passa son enfance et son adolescence. A l’âge adulte, la romancière, auteur dramatique, critique littéraire française, resta profondément liée à sa terre et revint y vivre fréquemment.

On imagine… Une calèche va passer la grille d’entrée, contourner la pelouse et le catalpa fleurissant, s’arrêter devant le portail de la maison à la haute toiture de tuiles plates… Calèches et selles – aux initiales GS – attendent dans la remise. La bergerie est devenue salle de concert. Reste l’émotion, très présente, car l’entrée dans la maison d’Amandine Aurore Lucille Dupin, baronne Dudevant, est un moment de grâce. Et l’on imagine la vie intense qui s’est déroulée entre ces murs. Est-ce Maurice, le fils bien aimé, qui a peint les nuages aux couleurs du printemps, le long de l’élégant escalier menant à l’étage ?

Beaux objets hérités du passé
Nohant cuisine de George SandNohant cuisine de George Sand-2La cuisine atteste de l’activité et des senteurs friandes qui régnaient à longueur de journée : rutilantes casseroles en cuivre, un potager sur lesquels on déposait la braise pour cuire des grillades, la table en chêne, les clochettes qui appelaient les domestiques et, luxe pour l’époque, une imposante cuisinière en fonte, avec système d’évacuation de la vapeur par le sol jusqu’à la cheminée. George Sand veillait au bien-être de ses hôtes, supervisait les activités ménagères et faisait des confitures…

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img_0224 table2Dans la salle à manger, le temps semble s’être arrêté. Sous le lustre de Murano, les couverts sont mis sur la nappe immaculée recouvrant la table ovale : assiettes au décor de fraises, verres bleu et ambre offerts par Chopin à son hôtesse. Ecrits sur un carton, les noms des invités : Pauline Viardot, Flaubert, Balzac, Alexandre Dumas fils, Tourgueniev, Liszt et Marie d’Agoult…

Invitation à de longues soirées
Le salon qui a conservé son papier peint d’origine, dévoile toute l’intimité des intérieurs d’époque : portraits de Maurice de Saxe son aïeul, de sa grand’mère Marie-Aurore de Saxe, de son père Maurice Dupin de Francueil, de ses enfants Maurice et Solange, de ses petits-enfants… Au-dessus de la cheminée, le grand portrait de George Sand peint en 1838 par Charpentier (l’original se trouve à Paris au musée de la Vie romantique).
« Toute la physionomie est dans l’œil » décrivait Balzac à propos de George Sand. Et Musset, après leur rupture en 1835, n’oublia jamais « ses yeux splendides ».

img_9241Au centre, une vaste table en merisier commandée à un artisan berrichon, afin que toutes les personnes présentes puissent se distraire ensemble : broderie, caricatures, écriture, copies de partitions… On imagine aussi les discussions animées entre Liszt, Chopin, Delacroix… Ce dernier peignit le plus beau tableau de Chopin au piano et George Sand debout derrière lui, captivée par la musique. Après la mort du peintre, la toile fut coupée en deux. On en ignore la raison.

Le piano n’est pas celui de Frédéric Chopin qui en louait à Pleyel à chacun de ses séjours. Delacroix évoque les instants où « il arrive de la fenêtre ouverte sur le jardin des bouffées de la musique de Chopin qui travaille de son côté : cela se mêle au chant du rossignol et à l’odeur des roses ».

Ici, Indiana a vu le jour
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La chambre d’Aurore de Saxe a conservé ses élégantes boiseries, ses meubles en marqueterie, le lit à la Polonaise. Le boudoir d’à côté a servi de bureau à la jeune George Sand qui y écrivit Indiana, son premier roman, en 1832. Elle mentionne le grillon qui venait la voir… Travailleuse infatigable, elle écrivait la nuit, une armoire à étagères lui servant de secrétaire, et dormait dans un hamac. Détails émouvants : la harpe de sa grand-mère et le violon de son père, et tracées sur la boiserie, les marques montrant les tailles successives de Nini, Lolo, Titite, les petites-filles…

Confort, harmonie, nostalgie
Un long couloir pavé de petits carreaux de terre cuite sépare les chambres aux portes numérotées. Celles de la châtelaine et de sa famille d’un côté et celles des invités, de l’autre. A l’extrémité, une boîte à deux compartiments : l’un est destiné aux lettres à poster, et les habitants de la maison sont conviés à glisser dans l’autre un mot indiquant ce dont ils ont besoin. Ainsi Théophile Gautier, ayant eu besoin d’un peigne, retrouva, le lendemain dans sa chambre, une trentaine de peignes à choisir…

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img_9245img_9267 Les séjours de Frédéric Chopin – de 1839 à 1846 – duraient d’avril à novembre. Il a composé à Nohant ses plus beaux morceaux. Après leur rupture, George Sand divisera en deux ce qui fut la chambre du compositeur. Nulle trace écrit ou peinte de ce qui était la chambre, hormis un petit morceau du papier peint et les battants de la porte que l’écrivain avait fait capitonner afin que le délicat musicien ne soit pas incommodé par les bruits de la maisonnée. Une bibliothèque et de grandes armoires contiennent livres et documents, classés de façon méthodique. A relever que George Sand dédicacera à Chopin la première édition de La mare au Diable en 1846. Mais que le musicien n’a jamais dédié de musique à son amie romancière.

img_9265La chambre bleue de George Sand : papier peint et tentures à fond bleu aux médaillons gris, lit à baldaquin, table bureau à écritoire, beaux objets choisis… Elle y décède le 8 juin 1876 sur un lit en fer placé devant la fenêtre. « Laissez verdure… » furent les derniers mots prononcés par cette grande dame qui a vécu en plein XIXème siècle comme on vit de nos jours. Et qui a su aimer jusqu’au dernier soupir…

La chambre d’Aurore
Changement de décor : d’abord chambre des petites-filles de George Sand, l’une d’elles, Gabrielle y vivra de 1892 à 1909, la meublant d’un mobilier en bambou et d’un papier peint représentant des hérons, du style art déco alors en vogue.

chambre1930-3 portrait-auroreA la mort de sa sœur, la quatrième Aurore qui avait épousé le peintre alsacien Frédéric Lauth, y habitera jusqu’à son décès à 95 ans, en 1961. Sans descendance, elle fit don de Nohant à l’État qui classa l’illustre demeure au titre des Monuments historiques.

L’atelier mansardé de Maurice
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Un étroit escalier mène au grenier. On passe devant un portrait en pied d’Aurore Lauth-Sand avant d’arriver dans une vaste pièce aux poutres de chêne, aménagée par George Sand qui souhaitait que son fils embrasse une carrière d’artiste. Un grand meuble aux multiples tiroirs, des tables, des étagères supportant les collections d’une vie : coquillages, herbiers, trésors insolites, sculptures et peintures de Maurice qui fut élève de Delacroix lors des séjours du peintre à Nohant. Une haute fenêtre invite la lumière…

Théâtre, castelet et marionnettes
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Pour occuper les longues soirées de l’hiver berrichon 1846-47, George Sand, son fils et leurs amis décidèrent de faire du théâtre dans une pièce servant de billard et garde-robe. Moyens du bord et imagination, improvisation et scénarios écrits par Maurice et sa mère, familiers et amis de passage, comédiens professionnels en tant qu’acteurs… Les saisons théâtrales commençaient fin août pour se terminer vers novembre. Des invitations étaient envoyées pour annoncer les représentations. Le théâtre de Nohant fonctionna régulièrement jusqu’en septembre 1863. George Sand a écrit trente et une pièces, dont vingt-deux furent présentées à Nohant. Le décor actuellement en place est celui de la dernière pièce jouée.

En 1847, Maurice ses amis inventèrent un théâtre de marionnettes. Le premier castelet fut improvisé avec peu de moyens, mais très vite ils construisirent un théâtre plus élaboré, avec machineries, trucages et décors. Entre 1854 et 1872 il y eut environ cent-vingt représentations de marionnettes à Nohant. 150 marionnettes seront sculptées dans du bois de tilleul par des mains habiles de Maurice et revêtues de vêtements confectionnés par sa mère. On coupait parfois des mèches de cheveux parmi les spectateurs pour les coller sur les têtes des marionnettes. Dilettante, touche à tout, Maurice Sand a fait de la marionnette un art majeur dans lequel il se surpassera. Regroupées et exposées dans une salle au-dessus de l’accueil, les marionnettes sont offertes aux yeux des visiteurs admiratifs.

Le parc, hymne à la nature
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Derrière la maison, deux cèdres en imposent : ils ont été plantés lors de la naissance de Maurice et Solange, les enfants de George Sand. A la mort de sa grand’mère, la jeune femme héritait d’un important domaine à gérer, soit 250 hectares de terres cultivées. Le parc et le jardin attenant offrent une perspective d’agréables promenades : bassin, verger, potager, cabane de bois pour les enfants, massifs de roses, tapis de cyclamens mauves sous le petit bois près du pavillon de Flaubert, seul à habiter hors de la maison lorsqu’il venait à Nohant. Madame George aimait faire le tour du jardin et visiter ses plantes…

La « bonne dame de Nohant » – comme la nommaient alors les paysans d’alentour – et les siens reposent dans le calme d’un enclos particulier sis entre le domaine et le cimetière.

L’église et les environs
Sur la place, devant le château, des arbres, une auberge, des maisons basses, typiques de la région, et la jolie petite église Ste Anne, aux tuiles plates en terre cuite. Plus de 200 personnes assistèrent aux funérailles de George Sand. Dans son éloge funèbre, lue par l’ami Paul Meurice, Victor Hugo aura ces mots : « Je pleure une morte, et je salue une immortelle ».

img_9198 jardin vicq2Aux alentours, des panneaux aux noms évocateurs – Sentier des maîtres sonneurs, Allée Victor Hugo, Allée Eugène Delacroix, Allée Chopin avec le buste du musicien … – bordent de petits sentiers verdoyants destinés aux randonneurs.

Plus loin, l’église St-Martin de Vicq doit à George Sand d’avoir été sauvée. En 1849, on découvrit sous le badigeon des murs de cette église fort délabrée, de remarquables fresques du XIIème siècle. Aidée par son ami Prosper Mérimée, George Sand obtint le classement de l’église et des crédits pour la restaurer.

img_9294-copie Le Nohant Festival Chopin
C’est auprès de George Sand, dans ce minuscule village du Berry qu’est Nohant, que Frédéric Chopin a composé « les deux tiers de son œuvre », selon Yves Henry, pianiste de renom. Un héritage que le festival de Nohant fait revivre chaque année en y associant d’autres grands noms de la musique et de la littérature de l’époque romantique. Yves Henry a succédé en 2011 au célèbre chroniqueur musical Alain Duault à la présidence de l’association Musique au Pays de George Sand. Le Nohant Festival Chopin réunit chaque année en juin et juillet, les plus grands artistes internationaux et se classe parmi les festivals de piano les plus pointus et les plus courus au niveau international.

(Texte et photos : Françoyse Krier)

http://maison-george-sand.monuments-nationaux.fr/

www.festivalnohant.com

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