

De sublimes portraits de la Renaissance à la présentation d’une trentaine de tableaux de Bonnard, la nouvelle exposition des hauts de Lausanne irradie de lumière ! La Fondation de l’Hermitage a le privilège de dévoiler une sélection des plus grands chefs-d’œuvre de la prestigieuse collection de Georges Bemberg (1915-2011), habituellement présentée dans un hôtel particulier de Toulouse. Cette exposition réunit 132 peintures et dessins parmi les plus remarquables de cet ensemble, une occasion unique d’admirer ces chefs-d’œuvre et de découvrir le goût et la personnalité d’un des grands collectionneurs du 20ème siècle. La sélection effectuée par Sylvie Wuhrmann, directrice de la Fondation de l’Hermitage et Philippe Cros, directeur de la Fondation Bemberg, s’avère une explosion de couleurs bienvenue à quelques jours du printemps…
Georges Bemberg : sous ce nom se cache tout à la fois un érudit aux velléités littéraire, un musicien formé auprès de Nadia Boulanger, un esthète descendant d’une dynastie d’origine allemande. Cette famille d’industriels fit fortune en Argentine où elle s’était établie au milieu du 19ème siècle – époque correspondant à l’acquisition de l’Hermitage à Lausanne par la famille Bugnion.
Esprit cosmopolite, voyageur partageant son temps entre Buenos Aires, New York, Paris, Venise, Georges Bemberg écume les salles de vente et commence alors une collection dans les années 50-60, avec en point de départ une gouache de Camille Pissaro.
Cet homme d’une discrétion absolue – il n’existe que peu de photos ou de documents le concernant – installe sa collection de toiles de grands maîtres, d’objets précieux, de splendides meubles, bronzes et reliures, à l’hôtel d’Assezat, à Toulouse. La fondation Bemberg est actuellement en travaux de rénovation, d’où l’accord du prêt d’œuvres provenant de cette magnifique collection jusque fin mai 2021 à Lausanne, avant d’être présentés à Houston et San Diego, Etats-Unis.
France et Ecoles du Nord ~ 15e et 16e siècles

Huile sur panneau




L’art du portrait peint connaît un développement majeur au XVe siècle. La première salle de la Fondation est un écrin parfait pour la présentation sur fond sombre de petits portraits de cour et de Vierges à l’Enfant datant des XVe et XVIe siècles. Les visages resurgissent de façon particulièrement élégante. Sylvie Wuhrmann se déclare heureuse de découvrir et présenter la splendeur de ces peintures anciennes.
« Il s’agit de l’époque de la reine Margot. Jean Clouet et son fils François, Marc Duval… On peut dire que ce sont là des tableaux peints avec un pinceau à un poil, tant l’on peut admirer de délicieux détails : bagues, dentelles, rendu des textures. Mis en valeur par de splendides cadres, ces chefs-d’oeuvre peints à l’huile sur panneaux de bois, sont extrêmement sensibles aux variations hygrométriques », mentionne Sylvie Wuhrmann.


Huile sur panneau

Lucas Cranach l’Ancien brosse des représentations païennes, mythologiques ou tirées de l’Ancien Testament. Les coloris chauds et intenses, caractéristiques de l’artiste, confirment l’originalité et la modernité de cet artiste dans une période marquée par la Réforme protestante.
Italie ~ 16e -18e siècles
Berceau de la Renaissance au XVème siècle, l’Italie compte de nombreux foyers artistiques à l’apogée du mouvement. Tintoret et Véronèse,
deux des plus grands maîtres de l’école vénitienne, livrent de somptueux portraits : éclairage en clair-obscur, magnificence de la couleur. La peinture vénitienne connaît un nouvel élan au XVIIIe siècle. La ville devient le lieu incontournable du tourisme naissant. Les vues urbaines détaillées peintes par Pietro Longhi, Francesco Guardi, et Antonio Canal, dit Canaletto, témoignent de la popularité de ces compositions que les voyageurs se plaisent à rapporter en souvenir.

Huile sur toile


France et Ecoles du Nord ~ 17e et 18e siècles
En France, la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture, en 1648, assure la formation des artistes et leur légitimité. Une exposition annuelle au Louvre en 1725 permet à un large public de se familiariser avec la peinture. Au début du XVIIème siècle, grâce à Watteau puis à son élève Nicolas Lancret, le thème de la «fête galante» – rassemblement de personnages élégants dans un écrin de verdure agrémenté de sculptures – connaît un grand engouement. Plus tard, les paysages de ruines, parfois réelles, parfois imaginaires, apportent le succès à Hubert Robert. Le portrait fait vivre honorablement de nombreux artistes, comme Élisabeth Vigée Le Brun, peintre officielle de la reine Marie-Antoinette. Mais l’on voit aussi à cette période l’émergence d’œuvres représentant la société contemporaine.
Impressionnisme ~ École de Pont-Aven et symbolisme
Les impressionnistes s’intéressent à la nature pour ses changements constants : le climat, la saison, l’heure… En plus de représenter les bords de mer et la campagne où ils se rendent pour capturer les foules mondaines qui s’y promènent (Boudin, Monet, Morisot), ce sont les cours d’eau qui les intéressent pour la nouveauté des jeux de lumière qui s’y reflètent (Pissarro, Caillebotte, Sisley).

Huile sur toile


Après une dernière exposition à Paris en 1886, le groupe impressionniste se divise et délaisse la capitale. Paul Gauguin, à la recherche d’un style plus personnel, part séjourner à Pont- Aven, où il rencontre le peintre Émile Bernard. De nombreux artistes en quête de nouveauté rejoignent alors les deux peintres en Bretagne, formant autour d’eux « l’école de Pont-Aven ».
Paul Sérusier y découvre la couleur pure et la simplification de la forme, un apprentissage qu’il transmettra à son tour aux peintres réunis autour de lui à Paris – notamment Maurice Denis, Édouard Vuillard et Pierre Bonnard – avec qui il formera le groupe des Nabis.
Odilon Redon partage avec Sérusier et Gauguin un même attrait pour l’imaginaire et le rêve. Après s’être consacré aux lithographies et aux fusains, il réalise dès 1890 des variations au pastel intensément colorées sur des thèmes mythologiques, dont Pégase et l’Hydre offre un bel exemple.




Dessins, pastels et aquarelles ~ 19e – 20e siècles
Les œuvres rassemblées dans cette section illustrent l’extraordinaire vitalité des arts graphiques au tournant du 20ème siècle. Crayon, encre, aquarelle, pastel sont autant de médiums qui deviennent un véritable champ d’expérimentation pour les artistes.
Berthe Morisot et Pierre-Auguste Renoir excellent dans les portraits de jeunes filles. Edgar Degas qualifie ses pastels d’«orgies de couleurs» et en exécutera plus de 700 à partir des années 1870.
Dès les années 1880, Paul Cézanne s’empare quant à lui de l’aquarelle et limite sa palette au vert, au bleu et à quelques couleurs chaudes. Il obtient une vue des environs d’Aix-en-Provence d’une pureté et d’une douceur exceptionnelles. Dessinateur compulsif, Amedeo Modigliani sort son crayon et son papier dans les cafés ou dans la rue. Ses dessins permettent d’admirer toute la puissance expressive de la ligne. En virtuose du dessin, Pablo Picasso maîtrise une grande variété de techniques. Son importante production graphique comprent aussi bien des pastels, des dessins au crayon ou à la plume que des gravures. En 1900, il expose ainsi plus de 150 dessins à Barcelone.


ou Portrait de jeune fille, 1879. Pastel sur papier marouflé sur carton


Néo-impressionnisme
Au début de 1886, dans une volonté de se détacher de l’impressionnisme qui domine la peinture française, et d’inventer un langage pictural neuf, Georges Seurat met au point la technique de la division des tons. L’artiste préconise de disposer des petites touches de couleur pure côte à côte sur la toile, en laissant à l’œil du spectateur le soin de recomposer les tons. Paul Signac adopte rapidement cette technique divisionniste à laquelle il restera fidèle, avec des oeuvres toujours plus harmonieuses et lumineuses, comme le démontrent celles réalisées à Saint-Tropez. Henri le Sidaner réalise de nombreuses scènes intimistes où la figure reste toutefois absente. Les paysages du Var deviennent le sujet de prédilection d’Henri Edmond Cross. Hippolyte Petitjean offre la spontanéité de ses vives aquarelles pointillistes
Fauvisme et expressionnisme
Surnommée de manière moqueuse «la cage aux fauves» par les critiques, une salle du Salon d’automne de 1905 rassemble plusieurs peintres issus de l’atelier de Gustave Moreau. Réunis autour d’Henri Matisse, ces jeunes artistes rompent avec l’impressionnisme édulcoré désormais en vogue, mais aussi avec les recherches décoratives des Nabis, pour se consacrer à la couleur, poursuivant ainsi les recherches de Cézanne et Van Gogh.
Les figures sont absentes des toiles des artistes fauves – mis à part chez Kees Van Dongen – lesquels préfèrent des vues simples où les individus sont réduits à des silhouettes. Georges Braque, Charles Camoin, André Derain, Raoul Dufy, Émile Othon Friesz, Albert Marquet, Maurice de Vlaminck exaltent la puissance et l’expressivité de la couleur, en simplifiant le dessin et en adoptant une facture très franche.

Huile sur carton

Huile sur toile

Huile sur toile
Pierre Bonnard et Édouard Vuillard
La collection Bemberg se distingue également par l’importance de ses œuvres des 19e et 20e siècles. La visite de cette extraordinaire exposition se termine sur un accrochage de peintures de Pierre Bonnard. Un régal pour les yeux… Avec plus de trente tableaux, le fonds Bonnard de la collection Bemberg est le plus grand ensemble du peintre en mains privées.

Pierre Bonnard et Édouard Vuillard fondent le groupe des Nabis à la fin de l’année 1888. Désireux de se démarquer de l’impressionnisme qu’ils jugent trop dépendant de la nature, ces très jeunes artistes ambitionnent d’extraire l’essentiel de leurs motifs, exaltant la couleur pure et simplifiant les formes. Que ce soit dans ses intérieurs où dominent des papiers peints et des arabesques Art nouveau, dans ses figures et ses nus sujets de scènes intimistes à l’atmosphère feutrée, ou dans ses paysages lumineux, Bonnard défend une peinture du sentiment, ne gardant de la réalité que son apparence qu’il charge d’émotion. Comme Vuillard, il reste constamment à l’écart des bouleversements artistiques du début du 20ème siècle, restant fidèle à son langage pictural personnel, délicat et d’une grande subtilité décorative.
Une ou deux pièces ont été acquises après le décès de Georges Bemberg, en 2001. Le collectionneur passionné a laissé un fond d’acquisition qui permet, dès lors, à la fondation d’effectuer sporadiquement des achats d’œuvres qui viennent compléter cet ensemble allant de la Renaissance jusqu’au dernier autoportrait de Pierre Bonnard, tableau le plus moderne de l’exposition.
FONDATION DE L’HERMITAGE – Route du Signal 2 – CH – 1018 Lausanne
A admirer jusqu’au 30 mai 2021
Tél. : +41 (0)21 320 50 01 www.fondation-hermitage.ch
