

Genève : la Fondation Baur propose une plongée paysagère inédite à la rencontre de deux artistes coréens contemporains. L’exposition Si loin, si proche : le Pays du matin calme,
présente – autour d’un florilège d’œuvres anciennes du musée national des arts asiatiques –
les œuvres de deux créateurs, Ji-Young Demol Park et Lee Lee Nam qui font de leur interprétation du paysage et de la montagne en particulier, un support de méditation, un trait d’union révélateur vers la beauté du monde d’hier et d’aujourd’hui. A travers des liens séculaires tissés entre cultures et objets, matières, teintes et motifs, le visiteur découvre les cimes baignées d’encre de Ji-Young Demol Park et les montagnes animées de Lee Lee Nam vers un certain ré-enchantement de la nature. L’exposition est ouverte jusqu’au 30 juin 2024
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Ji-Young Demol Park, virtuose du pinceau
Enfant, je vivais dans la région de Seonsan-Eup, entourée de douces montagnes, que j’associe à des moments de partage et de complicité avec les miens et notamment avec ma mère. De confession bouddhiste, lorsqu’elle se rendait au temple, elle nous emmenait souvent, mes frères, ma sœur et moi. Pour atteindre ce lieu de culte, il fallait monter par les sentiers, progresser à travers la forêt, et lors de ces petites ascensions, elle nous invitait à nous émerveiller de la nature qui nous entourait. (…) Je suis heureuse et honorée de présenter mes encres au côté des magnifiques oeuvres anciennes de la Fondation Baur et du Musée Guimet (…)
Ji-Young Demol-Park,
catalogue de l’exposition, 2024
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© Ji-Young Demol Park, photo Rodolphe Demol
Depuis plus de dix ans Ji-Young Demol Park peint la splendeur des paysages alpins. En découvrant les premiers « portraits » de son pays natal on ne peut qu’être frappé par l’authenticité de son univers voguant, ici et là, avec la même harmonie, entre précision géographique et approche « impressionniste » ; les majestueux massifs helvétiques creusés de glaciers étincelants, les pentes mauves du Cervin, le lac Léman, sur les rives d’une Genève comme surgie d’un rêve, et qui s’offre, infiniment blanc, à notre imagination, conversent, complices avec les lointains paysages coréens. Plantés de pins aux troncs noueux, parcourus de crètes mythiques alternant contours dentelés et courbes féminines, les monts embrumés du Pays du matin calme n’ont jamais été si proches…

Ji-Young Demol Park
Cervin au lever du soleil /
Encres et aquarelles
© Ji-Young Demol Park, photo Rodolphe Demol


Encres et aquarelles© Ji-Young Demol Park, photo Rodolphe Demol
Dans son atelier, comme dans la chambre noire du photographe, l’eau, l’encre, quelques couleurs, s’animent, au hasard de leurs interactions, à l’unisson de ses émotions. Virtuose du pinceau, Ji-Young Demol Park sculpte ombres et reliefs, oriente les infinies nuances des lavis, le bleu dans toutes ses intensités, quelques touches de rose, des lueurs jaunes, qui scintillent poignantes, enroulées de brume. Enfin, dans la réserve du papier, en marge comme au coeur de sa peinture, elle charge le blanc d’une épaisseur de neige.
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Lee Lee Nam et sa palette chromatique, foisonnante, en mouvement perpétuel

À l’hommage silencieux des cimes rendu par
Ji-Young Demol Park, voici le travail numérique et sonore de Lee Lee Nam.
Dans le prolongement de la vision du peintre Jeong Seon (1676-1759), qui symbolise la tradition et l’expression de l’âme coréenne, les œuvres exposées ici sont le fruit d’une interprétation très personnelle de ma compréhension du monde contemporain : une tentative de capturer l’esprit de la « lumière céleste » jingyeong, tel qu’il a fleuri à la fin de la dynastie Joseon (1392-1910).
Lee Lee Nam, 2023
À l’avant-garde mondiale de l’animation, conscient des débordements superficiels liés au développement galopant de ces technologies, Lee Lee Nam se concentre sur l’essentiel, le rapport au temps et à la lumière, la justesse et le pouvoir de suggestion des couleurs ; ses créations virtuelles interrogent un répertoire varié de chefs-d’oeuvre auxquels, tel un chef d’orchestre, il insuffle un rythme, une chorégraphie.

Quatre saisons 2009 / D’après Jeong Seon (1676-1759)
TV LED, video à canal unique, couleur, son, 4’5”
© Studio Lee Lee Nam

voletant pour s’achever dans un ballet d’avions militaires,
d’hélicoptères et reflets des tours
de verre, va-et-vient des téléphérique…
Avec délicatesse, l’artiste exprime aussi parfois ses rêves ou son inquiétude face aux métamorphoses qui affectent l’ensemble du vivant et la montagne en particulier : l’urbanisation débridée du paysage des années 2000, les tensions aux frontières des deux Corées, le monde de demain peuplé d’architectures futuristes bigarrées. Cet univers défile sous nos yeux, dans le grondement menaçant des avions militaires, des hélicoptères progressant dans les nuées, à travers les reflets des tours de verre, le va-et-vient des téléphériques, qui, comme autant de lucioles dans la nuit, grignotent fébriles les pentes des montagnes sacrées.

D’après An Gyeon, XVe siècle TV LED, vidéo à canal unique, son, 9’59” © Studio Lee Lee Nam

(aujourd’hui disparu), Séoul, 1924
© Fondation Baur,
musée des arts d’Extrême-Orient, Genève
Au lendemain du 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la Corée du Sud, le musée a choisi d’évoquer la représentation du paysage tant chéri par son fondateur, Alfred Baur (1865-1951) et la montagne en particulier, dont la place est essentielle dans ces deux pays.
En 1924, les époux Baur découvrent le « pays du matin frais », à l’occasion de leur voyage en Extrême-Orient. Quelques photographies prises il y a tout juste cent ans, à Gyeongseong, l’actuelle Séoul, témoignent en effet, à l’heure de l’occupation japonaise (1905-1945), de leur rencontre avec des paysages qui étaient encore à cette époque peu connus des Européens comparativement à ceux de ses voisins chinois et japonais. On y reconnait les hauts lieux architecturaux de la capitale, vastes édifices en bois couronnés d’une déclinaison polychrome de tuiles décorées et on peut voir à côté d’Eugénie Baur, une petite escorte de personnages en costume traditionnel, enveloppés d’amples tuniques de rami et de lin.

Musée national des arts asiatiques–Guimet Donation Michel Duchange, MA 6140 //
Bouteille plate Dynastie Joseon, XVIe-XVIIe siècle. Porcelaine blanche. Musée national des arts asiatiques–Guimet Donation Itami Jun, ITJ 15 //
Bouteille en forme de tonnelet. Dynastie Joseon, XVIIIe-XIXe siècle. Musée national des arts asiatiques–Guimet ICBB 15

Exposition Si loin, si proche : le Pays du matin calme
Fondation Baur / 8 rue Munier-Romilly / 1206 Genève CH
Tél. : + 41 (0)22 704 32 82
www.fondationbaur.ch
L’exposition est ouverte jusqu’au 30 juin 2024 – de 14h à 18h, fermé le lundi
Ouverture jusqu’à 20h les mercredis // Avec visite commentée publique (sans inscription) à 18h30
les 27 mars, 10 et 24 avril, 15 et 29 mai, 12 et 26 juin 2024


