A l’occasion du 40ème anniversaire de sa disparition, l’exposition consacrée à Alain Le Foll au Palais Lumière d’Évian permet de redécouvrir l’œuvre de cet artiste considéré comme l’un des plus grands dessinateurs français des années 1960-1970.
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Dessin pour C’est le Bouquet, ouvrage de Claude Roy illustré par Alain Le Foll, paru chez Delpire en 1964. Dessin à l’encre 28,2 x 33,8 cm, Collection particulière.
Alain Le Foll est né en 1934 et décédé en 1981, à l’âge de 46 ans. Ses dessins destinés à la publicité et à l’illustration, ont contribué à façonner l’univers visuel de cette période. Parallèlement à ces travaux de commande, Alain Le Foll a développé un travail personnel, privilégiant dessin et lithographie. L’exposition ~ à admirer jusqu’au 2 janvier 2022 ~ présente les deux versants de la création de cet artiste de génie : ses travaux destinés au public – dessins publicitaires et illustrations – et son œuvre plus intimiste.
Son œuvre a marqué le monde du graphisme, de la publicité, de l’illustration
Alain Le Foll a suivi un enseignement artistique à l’académie Julian, à Paris. Dès 1958, il délaisse la peinture au profit du dessin et s’oriente vers une carrière de graphiste. Il est engagé à la SNIP, Société Nouvelle d’Information et de Publicité, agence publicitaire de l’entreprise textile La Lainière de Roubaix, marque du groupe Prouvost spécialisé dans le textile et la presse. En 1959, une campagne pour la marque de vêtement Rodier le fait connaitre du milieu de la publicité. Plusieurs commandes de dessins publicitaires lui sont alors confiées.
Dès 1958, Alain Le Foll s’oriente vers une carrière de graphiste. Lié à Peter Knapp, grand photographe (de mode, notamment), et au graphiste Jean Widmer – tous deux natifs de Suisse et issus de la réputée Ecole d’arts appliqués de Zurich – il participe à plusieurs campagnes publicitaires, notamment pour l’eau d’Evian, l’Eau vraie qui donne lieu à un film d’animation d’Alexandre Alexeieff montrant l’eau se glissant entre les roches stratifiées. Les fleurs stylisées très présentes ~ en particulier la rose-zinia-pivoine ~ deviennent un motif emblématique de son œuvre.
Inspirée des estampes japonaises, la geisha imaginée par Alain Le Foll pour la campagne Obao, bain de mousse à la japonaise contribue au succès considérable de cette marque dans les années 1964/65. L’artiste met également son talent au service des Galeries Lafayette et surtout du Printemps.
le bain de mousse à la japonaise,
conçue par Alain Le Foll, 1963
© succession A. Le Foll
La thématique florale, motif de prédilection
Difficile d’imaginer actuellement l’ampleur à cette époque du travail créatif d’Alain Le Foll. Ses dessins figurent partout. Les fleurs et papillons des publicités Lactel (le lait allégé qui donne des ailes, bien avant un certain redb…), du Crédit Agricole, les superbes illustrations dans Elle et Marie-Claire, les bannières recouvrant les façades des magasin du Printemps et les objets publicitaires offerts sont alors des événements marquants.
Alain Le Foll noue également une collaboration avec Robert Delpire, fondateur d’une maison d’édition et d’une agence de publicité. En 1966, pour Citroën, l’un de ses clients, Delpire lui demande de retracer, dans le style des images d’Epinal, les aventures épiques de la 2CV, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de ce modèle mythique.
ouvrage de Claude Roy illustré par Alain Le Foll.
Collection particulière.
Parallèlement, Alain Le Foll se consacre à l’illustration et collabore avec de nombreux magazines en France et à l’étranger, dont Elle, Marie-Claire, Jardin des Modes, Lui, L’Express, Record, Twen, un magazine allemand d’actualité : rubriques habituelles des revues, feuilletons hebdomadaires, pages de décoration intérieure et même des recettes de cuisine pour un éditeur de San Francisco : à la place des images usuelles de plats cuisinés, Alain Le Foll propose un reportage en images de ses voyages (Le Kenya, Rome…).
L’univers visuel des années 1960-1970
Lithographie sur papier ocre, 94,3 x 44,8 cm (Coll. particulière) © succession A. Le Foll
Champinolle at top/of Hill.
1972-1976 @succession A. Le Foll
1964. Encre, 26,8 x 21 cm.
Collection particulière.
1966. Porcelaine de la Manufacture Rosenthal, diamètre : 49,5 cm. (Collection particulière) © succession A. Le Foll
Alain Le Foll conçoit des illustrations pour des éditeurs. En 1960, le Club Français du Livre lui passe commande de vingt planches illustrant le roman de William Thackeray, La Rose et l’Anneau.
Puisant son inspiration dans les miniatures persanes, il illustre Shéhérazade à coeur ouvert, un reportage historique de Nicole Vidal inspirée des miniatures persanes. publié dans une série de numéros de Elle, en 1962.
En 1964, il signe les dessins de C’est le bouquet !, un album édité par Robert Delpire qui marquera l’histoire de l’édition enfantine. C’est l’artiste lui-même qui a eu l’idée de cette histoire de conquête bienveillante de l’espace urbain par la Fraxilumèle, fleur exotique et exubérante, de la hauteur d’une tour de 18 étages, trame sur laquelle l’auteur Claude Roy, poète, journaliste et écrivain français, a bâti son récit. Scènes bucoliques, farandole de couleurs…
En 1969, chez le même éditeur, parait l’histoire de Sindbad le marin écrite par Bernard Noël – romancier, historien, critique d’art français – ornée de planches grand format, en noir et blanc, destinées à former un album dont les feuilles pouvaient être détachées et coloriées.
Entre 1963 et 1967, Alain Le Foll illustre une série de récits bibliques écrits par le père dominicain Maurice Cocagnac pour les éditions du Cerf. En 1969, paraît chez le même éditeur un ensemble de dessins en noir et blanc Les Trois arbres du samouraï, écrit par le même auteur.
le marin, de Bernard Noël, 1969.
Encre de Chine, 45 x 30 cm
(Collection particulière) © succession A. Le Foll
Encre, 33 x 58 cm. Collection particulière.
Artiste touche-à-tout génial, Alain le Foll crée également des motifs de tissus, des céramiques, des pochettes de disques, des papiers peints. A partir de 1962, Alain Le Foll entame une collaboration avec la manufacture de porcelaine allemande Rosenthal. Il orne de ses compositions florales les formes modernistes des services de table signés des grands noms du design scandinave. Dans les années 1970, il conçoit des papiers peints panoramiques pour la célèbre manufacture alsacienne Zuber, de Rixheim. Papiers peints toujours édités.
Les planches d’Alerte à Champignolle d’Huguette Chausson, ouvrage initié par le célèbre illustrateur suisse Etienne Delessert pour le compte des Editions Good Book, n’ont pu voir le jour, Alain Le Foll ayant été contraint d’arrêter son travail en raison de sa maladie.
Monde animal, végétal et minéral
Lithographie, 78,6 x 56,6 cm
(Collection particulière)
© succession A. Le Foll
Mutatis Mutandis , 1973. Lithographie,
67,7 x 52,8 cm (Collection particulière)
© succession A. Le Foll
l’album Extrait du corps, 1971. Lithographie.
56,2 x 45,5 cm (Collection
particulière) © succession A. Le Foll
A côté des travaux de commande, Alain Le Foll développe un travail de création personnel : dessins au crayon de couleurs, au pastel, à l’encre de Chine et à la gouache.
Passionné par la technique de la lithographie permettant d’associer la joie du dessin au travail artisanal, Alain Le Foll fréquente alors l’imprimerie Wolfensberger à Zurich qui dispose d’un espace d’exposition où sont montrés ses travaux et qui édite plusieurs de ses lithographies. Dans ses dessins et ses lithographies, il adopte un style différent de ses travaux de commande : grande unité et style original, inspiration puisée dans la nature, observation de la faune et de la flore, créations hybrides… A travers le dessin et la lithographie, Alain Le Foll a développé un imaginaire fantastique où le trait prédomine.
Progressivement, tout en enseignant à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs, il délaisse son activité d’illustrateur pour se consacrer au dessin et à la lithographie, laissant libre court à son imagination, créant des formes fantastiques mêlant le minéral et l’organique et tournant son regard vers l’intérieur du cœur…
Ses images représentent aussi des paysages imaginaires inspirés de ses voyages (Bretagne, Afrique, Grèce, Amérique, Fontainebleau), certains fidèles au souvenir, d’autres confinant au fantastique. Certains y voient l’influence d’Yves Tanguy et de Max Ernst.
Dans les années 1970, il partage son temps entre la poursuite de son travail personnel et l’enseignement à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs où il travaillera jusqu’à sa mort en 1981.
Imagination, précision et perfection…
Cette exposition a pu voir le jour grâce à la précieuse contribution de Joséphine Le Foll Zins, fille de l’artiste et présente le jour de la présentation de l’exposition à la presse. Cette très aimable personne répond volontiers aux nombreuses questions que la belle exposition peut engendrer.
L’adolescente que j’étais dans les “années Le Foll” a gardé, précieusement collées dans un carnet, des illustrations d’Alain Le Foll parues dans Elle ou Marie-Claire. L’une d’elles représente des capucines au délicat dessin en noir et blanc. « C’est mon fond d’écran ! », mentionne-t-elle avec une émotion aussi grande que la mienne. Et de nous extasier sur la puissance, la justesse et la beauté du trait. Quant aux petits dessins en couleur non signés, parus dans les années 65/66, la fille d’Alain Le Foll reconnaît immédiatement la “griffe” de son artiste de père.
Historienne de l’art, docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et diplômée de l’Ecole du Louvre, Joséphine Le Foll est spécialiste de la peinture et de l’iconographie de la Renaissance italienne. Après avoir été rédactrice en chef adjointe de Beaux-Arts Magazine, elle se consacre à l’édition. Elle a publié plusieurs ouvrages et articles sur la peinture de la période moderne : Raphaël, sa vie, son oeuvre, son temps (2012), L’Atelier de Mantegna (2008), Suzanne et les vieillards (2002), Le Christ et la femme adultère (2001), La Peinture de fleurs (1997).
Joséphine Le Foll Zins avoue avoir commencé, très jeune, une petite carrière d’artiste bien vite interrompue devant l’exigence de son père face à ses dessins. « On comprend mieux en voyant toute son oeuvre. Tout est parfait Mais je pense me remettre au dessin, à la peinture »…
Si les images créées par Alain Le Foll paraissent familières, le nom de leur auteur n’est pas toujours connu. La superbe exposition d’Evian-les-Bains contribuera à faire redécouvrir le magnifique travail de cet artiste – imagier, créateur d’images “sagement folles ” !
Evian-les-Bains 🌸 Alain Le Foll Maître de l’imaginaire
jusqu’au 2 janvier 2022
Palais Lumière // Quai Charles-Albert Besson // 74500 Evian – France
+33 4 50 83 15 90 – courrier@ville-evian.fr
Visites commentées de l’exposition – Ateliers pour adultes/ados et en famille – toutes informations sur :