Mercredi 30 septembre, le décor est déjà planté : la place du temple à Cossonay, aux abords du Restaurant gastronomique, le Cerf. Le climat est à la douceur : l’orage menaçant de l’après-midi a viré de bord. L’ambiance est à la fête : à l’occasion des 35 ans du restaurant Le Cerf, Christine & Carlo Crisci convient leurs amis, à un apéritif suivi d’un dîner festif.
Quelques discours par quelques politiciens gourmets, venus en amis : Josef Zisyadis directeur de la semaine suisse du goût; Georges Rime, syndic de Cossonay; Robert Cramer, conseiller aux Etats (Verts/GE); Adèle Thorens Goumaz, conseillère nationale… (Photos ©pierrevogel)
Carlo Crisci souhaite la bienvenue à tous les invités à cet événement. Il évoque son père arrivé en Suisse en tant que cordonnier dans les années 50, devenu restaurateur par la suite et qui lui a légué sa plantation d’oliviers – la meilleure huile ! Evocation également de son propre parcours, la reprise du Cerf de Cossonay en 1982, les difficiles quinze premières années, les deux étoiles obtenues au Guide Michelin…
Un apéritif très original
Les invités sont priés de pénétrer dans les cuisines en longueur, étroites mais fonctionnelles, revêtues de carrelage mural immaculé, et qui se prêtent bien à cette réception : la file des invités avance tandis que la jeune brigade du Cerf propose des amuse-bouches tous aussi délicieux les uns que les autres. Coup de cœur pour la valse des sucreries, en particulier la mini composition de mousse à la bergamote surmontée d’un zeste de mirabelle, fruit de saison… (Photos FK)
Dans la salle du restaurant, les musiciens s’échauffent tandis que les invités s’installent autour des tables rondes, sur invitation de l’avenante maîtresse de maison, Christine, épouse de Carlo.
Passion et savoir faire
Après une dégustation de la fameuse et savoureuse huile chère au coeur du Chef étoilé, un ciselé de lapin en saté de pistache ouvre le bal des mets, joliment présenté en triangle. Il est suivi d’un croustillant d’un homard au polypode commun, une espèce de fougère appelée également réglisse des bois, dont on perçoit parfaitement le goût. Le crustacé bardé de lard laisse en bouche de délicates et juteuses saveurs.
Parfaite est la cuisson du filet de rouget avec, en accompagnement, fleurs de courgette et consommé au fenouil. Que dire de l’aiguillette de pigeon, sinon que ce plat tellement rare, parfumé à l’impératoire – plante des Alpes réputée pour ses vertus toniques, digestives – et si justement marié au Magnificients’12 2014, de Jean-Claude Favre, à Chamoson, fait l’unanimité.
Belle assiette de fromage où s’entremêlent vacherin fribourgeois, poires à botzi, tuiles, noix, trèfles…
Pour un final en beauté, une meringue très appréciée, ronde, moelleuse et blanche, sur coulis de frais, surmontée de glace et d’une aérienne crème double… (Photos des plats ©pierrevogel)
Le tout agrémenté d’un voluptueux Faugères 2014, vin de Languedoc provenant du Domaine Léon Barral.
Quelqu’un qui improvise beaucoup…
On le sait, on le ressent, Carlo Crisici apprécie d’être à contresens d’un courant ou d’une tendance. Il aime surprendre en proposant des plats crées en dernière minute juste parce que l’envie d’inventer est intervenue. « J’ai ce tempérament que les artistes comprendront, où lorsque la création nous appelle, il n’y plus rien d’autre à faire que créer ».
Il peut être fier de la confiance que les clients lui portent. « Le 99% de notre chiffre d’affaires est réalisé avec nos Menus surprises. « On aime ce que l’on fait. Nous sommes perpétuellement à la recherche du nouveau, en constante évolution. Ainsi, nos clients n’ont pas l’impression de manger à chaque fois la même chose. Je vise l’excellence et non la perfection qui est une démarche aboutie et finie. Une réussite, c’est cinq clients gagnés, le début de relations… ». (Photos FK : Carlo Crisci en cuisine)
Chef avant-gardiste et père attentionné
Assiettes aux formes à chaque fois différentes, couverts d’une finesse raffinée, compositions aux dessins originaux, telles une palette aux couleurs du fauvisme… Christine passe entre les tables, s’assied un peu et discute avec chacun, veille au bien-être de tous.
Depuis 4 ans, Malya Crisci, l’une des trois enfants du couple Crisci, s’occupe avec sa mère de toute l’administration, gestion et management du restaurant et du personnel. Si elle a grandi avec des parents très occupés, elle ne s’est jamais sentie pénalisée : « De toute façon je savais que je les trouverais toujours en cuisine…». Et ne se sent pas obligée de prendre la relève. « Aucun de nous n’a ressenti une véritable vocation envers la restauration. Je pense aussi qu’il faut être deux, à l’image de nos parents ».
Un souvenir de son enfance lui revient en mémoire. La fillette étant victime d’une petite insomnie, son père l’avait déposée en cuisine. A proximité, une boîte ouverte… Malya goûte son contenu et vide la boîte. Perplexe, son père en ouvre une deuxième dont le contenu disparaîtra de la même façon. S’étant retourné, le père comprend que sa fille était en train de manger et d’apprécier les “petites boules noires” contenues dans les boîtes de caviar. Les oeufs de lump ne feront pas le même effet à la petite fille… (Photos FK : Carlo, Christine et Malya)
Amitié, talent, poésie céleste
Yvan Ischer prend la parole pour exprimer son amitié indéfectible envers le Chef dans la tête duquel germe souvent quelque idée farfelue… qu’il réalise 15 jours après… «Alors on vient déguster ! Carlos c’est de la passion, de la vie, de l’instantané, de la vérité… ».
Etienne Krähenbühl est également un copain de toujours et de toutes les situations : « Quel bonheur de se retrouver ici. C’est un endroit purement de création, de souffle de création. Carlo a l’art de relier une poésie céleste avec la terre. C’est un talent, une innovation, et pour moi, sculpteur, un émerveillement… Mais Carlo sans Christine ce ne serait peut-être pas Carlo…».
Transmettre un jour ce magnifique établissement dans sa lignée actuelle, passer plus de temps avec sa femme Christine et s’occuper de leurs petits-enfants, avoir du temps pour des loisirs, des voyages… Tels sont les humbles souhaits de ce grand Chef généreux qui se dit « également égoïste, car je fais une cuisine qui me plaît, et souhaite qu’elle puisse plaire à mes convives ».
(Photos ©pierrevogel : Etienne Krähenbühl, Yvan Ischer, Carlo et Christine Crisci)
Restaurant gastronomique Le Cerf / rue du Temple 10 / 1304 Cossonay / Tél. +41 (0)21 861 26 08 – Site : www.lecerf-carlocrisci.ch
(Photos : dédicace du livre de et par Carolo Crisci / Sa brigade ©pierrevogel – Applaudissements bien mérités : FK)