La plupart des Maisons des Illustres ont ceci d’étrange et de merveilleux : les intérieurs avec du mobilier intact ou retrouvé, les jardins recréés à l’identique, restituent l’atmosphère du temps jadis, à tel point que l’on s’attend à ce que l’illustre propriétaire passe la porte d’entrée d’un moment à l’autre… Ainsi en est-il de Saint-Sauveur où Sidonie initie sa fille Colette, sa ” Beauté, Joyau-tout-en-or ” aux secrets de son jardin. De Nohant, où George Sand cueille framboises, mûres et groseilles pour en faire des confitures tandis qu’au premier étage, dans sa chambre aux portes capitonnées, Chopin compose et sa musique s’envole par-delà le beau domaine… Il en est de même à Arbois, dans cette maison tant appréciée par son propriétaire Louis Pasteur. A-t-il traversé la rue pour retrouver ses amis d’enfance Jules et Altin Vercel, ou s’est-il rendu à Salins-les-Bains, chez ses cousins notables, à la villa Carmes…?
” Arbois n’est qu’un grand jardin très joli, car ces fleurs au milieu de tous ces vieux toits sont d’un effet splendide ”
Marie-Louise Vallery-Radot (fille de Louis Pasteur)
Si Louis Pasteur est né le 27 décembre 1822, à Dole, il reviendra chaque année dans cette maison d’Arbois, modeste tannerie achetée par son père, proche de la rivière Cuisance. Arrivé à l’âge de 8 ans, il y passera sa jeunesse. Le grand homme qui a toujours montré un profond attachement pour le Jura, aimait y retrouver ses racines. C’est la seule demeure qu’il ait possédée. La décoration intérieure conservée intacte est représentative d’un intérieur de la “petite bourgeoisie” de la fin 19ème.
Dans le vestibule d’entrée, Louis Pasteur accueille les visiteurs venus le consulter non pas en tant que médecin – il ne l’a jamais été – mais sur les maladies de la vigne ou des animaux, les vins, les vinaigres, les eaux-de-vie, les fermentations lactiques. Et même des travaux sur la bière, notamment pour le fondateur danois des brasseries Carlsberg.
Pasteur a beaucoup travaillé sur les vins démontrant que les levures microscopiques transformaient le jus de raisin en vin et que les bactéries qui parfois transforment le vin en vinaigre, pouvaient être éliminées par le chauffage. Le brevet déposé en 1865, connu sous le nom de pasteurisation, adapté à la bière est encore largement utilisé. C’est donc à Arbois que Pasteur a mis au point la fameuse pasteurisation et a mené ses travaux sur les fermentations. En 1885, il vaccine avec succès un jeune garçon contre la rage.
Lieu patrimonial unique
Dans le salon trône un billard rapporté de Paris, surmonté d’une suspension hollandaise alors équipée au gaz de ville. Dans la salle à manger, un monte-plats facilite le service des domestiques et le poêle alsacien garde les plats au chaud. Dans les placards, on peut voir la vaisselle rangée : porcelaine de Limoges, faïence de Strasbourg, étain.
Les chambres : celle de Marie, sa femme, fille d’un recteur de l’académie de Strasbourg, aux papiers peints aux motifs dorés; celle de Marie-Louise, leur fille mariée en 1879 à René Vallery-Radot, secrétaire particulier du Ministre des travaux publics; celle de Camille, la petite-fille, et le couloir aux jeux et jouets. Chaque chambre est dotée d’un cabinet de toilette, car pour l’illustre savant, l’hygiène médicale est particulièrement importante car elle peprmet de limiter la circulation des microbes responsables des infections.
A gauche, un portrait de Pasteur dans son laboratoire professionnel de l’Ecole normale supérieure , tenant le flacon à double entrée servant à atténuer le virus de la rage (Lithographie originale exposée au Musée d’Orsay).
A centre, le Nouveau vocabulaire ou Dictionnaire portatif de la langue française (1803). Ce livre a servi à Louis Pasteur qui a noté, en face de la page de titre “Ce dictionnaire / appartient à pasteur/arbois celui tia (corrigé en interligne en : qui a) missa/ c’est Louis pasteur”.
de Louis Pasteur.
Ci-contre, un praxinoscope :
jouet optique donnant l’illusion du mouvement et fonctionnant sur le principe de la compensation optique. La rotation du cylindre fait croire au spectateur que l’image est animée.
Dans la chambre de Louis Pasteur aux rideaux rouges, sont exposés les souvenirs militaires de Jean-Joseph, père du savant : croix de Chevalier de la légion d’honneur, médaille de Ste Hélène. Le mobilier et simple : bureau, bibliothèque et cartonnier. On y voit aussi son “calot”, visible sur certains portraits du célèbre chimiste.
Un scientifique universellement reconnu
A l’étage, le laboratoire personnel de Louis Pasteur, le seul laboratoire de Louis Pasteur conservé intact, avec eau courante et, dans l’angle, un four à incubations. Ce laboratoire dessiné par Louis Pasteur lui-même, offre toutes les commodités : étuve ou four à incubation indispensable à ses travaux et qui lui permet de mener ses cultures ou de faire des tests sur la résistance des bactéries aux élévations de température.
Dans le placard des bouteilles de vin, des ampoules de jus prélevé dans sa vigne. Sur l’étagère supérieure, des échantillons de jus issus de vieux cépages jurassiens antérieurs à la crise du phylloxéra.
Dans le placard côté rue, des échantillons du vaccin contre le choléra des poules (1880), du vaccin contre le charbon des moutons, le vaccin contre le rouget du porc (1883). Un autre placard recèle des bouillons de culture stérilisés en 1883 et non utilisés. Sur l’étagère du bas, des échantillons de lapins enragés (1885).
Promotions, honneurs et bicentenaire 1822 – 2022
Deux dessins au fusain accrochés à l’entrée de la maison-musée témoignent d’un certain talent de Louis Pasteur qui, dans sa jeunesse, s’était initié au fusain et au pastel. A 21 ans, il choisira de se consacrer plutôt à la science. L’année 1852 le verra Professeur de chimie à Strasbourg, puis en 1854, à 32 ans, Doyen de la faculté de Lille et à 35 ans, directeur des Etudes scientifiques de l’Ecole Normale supérieure (ENS). A 40 ans, en 1962, il entre à l’Académie des sciences, puis à l’Académie de médecine et en 1881, il est- élu à l’Académie française.
En 1894, Louis Pasteur passe ses dernières vacances dans sa maison d’Arbois et s’éteindra à Marnes-la-Coquette (Seine-et-Oise), le 28 septembre 1895. Le gouvernement fit voter des funérailles nationales et Louis Pasteur fut enterré à l’Institut qui porte son nom. La ville d’Arbois fit ouvrir une souscription nationale afin d’élever un monument à celui qui fut l’un des plus grands bienfaiteurs de l’Humanité. La statue est l’œuvre d’Horace Daillion. L’inauguration eut lieu les 28 et 29 septembre 1901.
En 1991, l’Académie des sciences a reçu cette maison-musée d’Arbois en donation de la Société des amis de Pasteur. Le 18 septembre 2021, cette maison a reçu une dotation d’un montant de 470 000 euros, issue des recettes de la Mission Patrimoine. Ce soutien a permis d’engager dès la fin 2021 un plan de restauration du bâti extérieur, ainsi que des rénovations des intérieurs et du jardin.
L’année 2022 marque le bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur, un anniversaire qui donne lieu à de nombreuses célébrations : expositions, événements festifs et populaires, visites guidées, soirées lecture…
La Maison de Louis Pasteur
83, Rue de Courcelles / 39600 Arbois – France
Visites guidées de mai à septembre tous les jours
Visites autonomes de février à novembre
www.terredelouispasteur.fr
(Photos : françoyse Krier)