Les dentelles sont des accessoires dont les usages, les dessins et les techniques changent avec la mode. Leur finesse et leur qualité et même leur longueur qui est codifiée traduisent la richesse et le rang social de ceux qui les portent. Modes et dentelles à la Visitation à Moulins permet de découvrir ces techniques mais surtout d’admirer l’extravagante précision des dentellières au travers de 150 œuvres, jusqu’au 23 décembre 2017. Ces pièces d’exception ont été dentelées par les plus grands ateliers de l’Europe entière ou parfois par des religieuses particulièrement douées, depuis la fin du 16ème siècle jusque dans les années 1960.
Moulins, capitale du Bourbonnais, a été rapidement une ville importante pour l’ordre. Elle accueillit en 1616 la troisième fondation de l’ordre qui, grâce à la duchesse de Montmorency, connaîtra un rayonnement et une influence considérables. Aujourd’hui encore, une communauté de religieuses de la Visitation Sainte-Marie y rayonne.
Ce musée est unique en Europe, puisqu’il n’existe nul équivalent ni pour l’ordre de la Visitation ni pour aucun autre grand ordre religieux. Aujourd’hui, la structure travaille en partenariat avec 93 monastères de France, d’Europe (Allemagne, Autriche, Angleterre, Belgique, Espagne, Italie, Pologne, Portugal, Suisse), d’Amérique (Canada, Etats-Unis, Pérou, Colombie, Mexique, Brésil), d’Afrique (Congo et Rwanda) et du Liban. Elle gère désormais à Moulins ses expositions permanentes au 4, place de l’Ancien Palais et une exposition thématique annuelle (83 rue d’Allier). Les collections comptent plus de douze mille objets dont une bibliothèque destinée aux chercheurs.
Portée aux manches, au col, dans les cheveux, sur les coiffures et les robes, la dentelle est alors le signe extérieur de richesse, plus encore que les bijoux et les riches étoffes : élégance indiciblement liée à la notion de rang social. Le visiteur est accueilli par l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui pose avec ses dames d’atour dans un cadre bucolique. Durant le Second Empire, la mode est influencée par celle de la fin du XVIII° siècle, à l’image de la robe de bal présentée en préambule, sortant de la Maison Vignon à Paris, « fournisseur de l’impératrice ». Sur ses contours arrondis se déploient des mètres de dentelle mixte à l’aiguille et aux fuseaux, preuve que dentelle, mode et luxe sont intimement liés.
Guipure du Velay aux fleurs de lys vers 1930 / Voile de mariée – détail / Bouquet, Carrickmacross : application d’étoffe sur tulle mécanique, 1890 – 1920
Prémices de l’art dentellier
A l’étage, sont présentés de nombreux accessoires de mode ornés de dentelle : mouchoirs, éventails, ombrelles, robes, barbes de coiffure et autres accessoires civils portés par les plus grands de ce monde. Mais aussi les chemises d’apparat portées par saint François de Sales dans les premières années du 17ème siècle.
Le visiteur touche les sommets de l’art dentellier en particulier au travers de trois vêtements insignes : le premier est une tunique d’époque Directoire, rare élément du costume conservé intact provenant de la famille Tallerand-Périgord. Elle se portait sur une robe de légère mousseline, les après-midi et lors des promenades au parc, ainsi que sur une robe en satin de soie ivoire ou de couleur pour les soirées mondaines. Elle descendait devant jusqu’aux genoux, tandis qu’elle allait jusqu’aux chevilles à l’arrière. Elle est confectionnée avec des pièces faites au gabarit et non pas coupées dans un grand métrage de dentelle.
Le visiteur découvre aussi que les dentelles ont longtemps habillé les meubles (miroir, table de toilette et même baignoire) au travers de deux volants adaptés ensuite sur des aubes par les religieuses. Quant à sa fabrication, il s’agit d’un travail pénible qui gâte les yeux et le dos et qui ne laisse de temps pour rien d’autre. Pour alimenter les fantaisies vestimentaires des hommes comme des femmes, des centaines de milliers de personnes ont travaillé à dessiner, concevoir, exécuter et monter des dentelles.
Tunique d’époque Directoire Bruxelles aux fuseaux 1799-18101 / Voile de mariée / Aube
Voyage en “Dentellie”
Au travers d’une scénographie invitant à la déambulation, le visiteur est invité au voyage dans le vaste monde des dentelles découvrant la diversité des collections du musée de la Visitation et leur variation avec les évolutions des arts décoratifs de chaque période : splendides pièces, caractéristiques des grands centres de production européens, avec des Points de Venise, de France, de Sedan, d’Alençon ou d’Argentan , des Flandres, etc. ; avec des oeuvres à l’aiguille, aux fuseaux, à fils continus, à pièces rapportées, appliquées, rebrodées… La plupart sont des oeuvres civiles héritées et transformées par des religieuses telles des pièces flamandes du 17ème siècle d’une grande beauté.
D’autres sont historiques comme le rochet conçu pour le sacre de Charles X, à Reims en 1825, orné de fleurs de lys et de couronnes aux fuseaux sur un réseau entièrement réalisé à la main. Toutes ces pièces sont conservées dans un état de fraîcheur très rare.
L’exposition s’élargit avec des pièces manufacturées des 19ème et 20ème siècles, produites par des entreprises connues du Velay (Falcon, Experton …), par des fabriques irlandaises, mais aussi des manufactures à Luxeuil ou à Arlanc. Deux exemples surprenants : un volant d’aube en Alençon que la soeur Marie-Mélanie Gresselin a mis 12 années à réaliser à l’aiguille et une aube composée de 360 motifs différents qui chantent la beauté et la diversité de la création avec les cieux, les plantes, les fleurs, les invertébrés, les reptiles, les oiseaux, les mammifères et les grandes figures de la Bible.
Le visiteur découvre aussi l’ingéniosité des visitandines qui réemploient les dentelles civiles. Ici un volant de robe devenu voile de tabernacle, là un mouchoir est employé comme support pour un ostensoir, ou encore un col et une feuille d’éventail montés ensemble pour rehausser un pavillon de ciboire.
La basilique d’Annecy Création visitandine vers 1960 / Col de chemise / Volant aux carrés Filet rebord 1890 – 1910
Exposition Dentelles de mode, mode des dentelles :
à admirer jusqu’au 23 décembre 2017
Du mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h
Le dimanche et jours fériés de 15h à 18h
Hôtel Demoret – Espace Patrimoine
83 Rue d’Allier, Moulins
www.musee-visitation.eu