Maurizio Cattelan, Sans titre, 2003 Résine polyester, cheveux synthétiques, vêtements, chaussures, éléments électroniques, tambour en acier / Photo : Zeno Zotti
C’est à la Monnaie de Paris que Maurizio Cattelan fait son grand retour, avec Not Afraid of Love , sa plus grande exposition jamais proposée en Europe. Révérence (et référence) pour les uns, « suicide artistique génial » pour les autres, on pensait que tout avait dit. Maurizio Cattelan bouscule les certitudes et revient sur le devant de la scène artistique avec une exposition post requiem regroupant ses oeuvres privilégiées. L’artiste italien investit la Monnaie de Paris, pour y installer ses oeuvres phares afin d’offrir au visiteur un parcours singulier au travers duquel il livre la vision personnelle de son histoire. Not Afraid of Love est une exposition qui fait dialoguer ses plus grands chefs-d’oeuvre et permet un nouveau regard sur le travail de l’artiste. « Cette exposition est vraiment la première, après celle au Guggenheim, qui comporte plus de trois oeuvres de moi dans le même temps : c’est une édition spéciale des choses que j’avais fait avant de me retirer. Disons que c’est une exposition post requiem. Comme dans la nouvelle de Poe, je fais semblant d’être mort, mais je peux encore voir et entendre ce qui se passe autour ».
Maurizio Cattelan, Others, 2011 Pigeons naturalisés / Mini-Me, 1999 Résine polyester, cheveux synthétiques, peinture, vêtements / Sans titre, 2007 Cheval naturalisé / Photo : Zeno Zotti
A 56 ans, Maurizio Cattelan n’a presque plus peur de rien, ni de l’amour, ni de la mort, ni de se raconter un peu plus…les chefs-d’oeuvre ici réunis sont ses créations emblématiques, les plus fortes et les plus saisissantes ; des images qui ne cessent de nous troubler, de nous éblouir, de nous faire réfléchir. Figures humaines ou animales, chacune recèle un même visage familier, modifié par les âges, cabossé et poli par la vie : celui de l’artiste lui-même, montré sous toutes ses coutures.
Cattelan est de retour avec son « post – requiem show »
Les oeuvres de Maurizio Cattelan ont aujourd’hui largement dépassé l’enthousiasme, la critique ou encore la controverse. Imprimées dans notre rétine collective, elles incarnent pleinement leur époque, elles en sont à la fois la muse et l’interprétation. « Une simple provocation est oubliée en deux jours, une oeuvre réussie durera beaucoup plus longtemps ». Marques de leur temps, elles ne sont pour autant pas cantonnées à leur époque. L’oeuvre de Maurizio Cattelan dépasse les unités de lieu et d’action pour acquérir en permanence de nouvelles significations. Les oeuvres choisies pour son nouveau projet à la Monnaie de Paris sont considérées par Cattelan lui – même comme les plus importantes et emblématiques. Dans Not Afraid of Love, nous découvrons, pour la première fois, une vision personnelle de son parcours, une articulation et une mise en dialogue de ses oeuvres majeures. Diamétralement opposé à son projet au Guggenheim et, de fait, complémentaire, l’artiste ne se lance pas ici dans une recherche d’exhaustivité mais dans une quête de sens, dans une narration. Maurizio Cattelan se livre, à la Monnaie de Paris, à l’exercice du post-requiem et conçoit un parcours unique dans sa carrière, démontrant ainsi comment créer quelque chose de nouveau avec ses oeuvres anciennes, montrer leur caractère vivant, leur capacité à toujours générer une surpr ise et une fascination. Il démontre ainsi à quel point ses oeuvres constituent autant de déclencheurs pour des histoires individuelles qui viennent varier d’un spectateur à l’autre.
Maurizio Cattelan, Sans titre, 2001 Résine polyester, cire, pigments, cheveux naturels / Photo : Zeno Zotti
Not Afraid of Love est certainement l’exposition la plus « parlante » jamais conçue par Maurizio Cattelan. « Mes oeuvres sont moins drôles qu’elles n’y paraissent. On me colle cette étiquette depuis mes débuts, mais je suis beaucoup plus sérieux que l’on croit et j’établis moins de second degré que ce que ma réputation laisse penser. Ce qui a pu ressembler à une blague par le passé paraît aujourd’hui beaucoup plus sérieux ».
Dès l’entrée de l’exposition par l’Escalier d’honneur de la Monnaie de Paris, le visiteur se retrouve au coeur de l’exposition. Entre lévitation et potence, en suspension : La Donna (2007) , et Novecento (1997). Le premier paradoxe de l’exposition nous questionne sur l’intention de l’artiste : a-t-il figé ces sculptures dans leur ascension ou les laisse-t-il pendre ainsi ? Que vivent réellement ces personnages, l’extase ou la souffrance ? Du haut, un avatar de l’artiste , Mini-Me (1999) , vient observer la scène à la fois comme un témoin ou comme le créateur s’interrogeant sur son oeuvre. Assis au bord du vide dans le Salon d’honneur, Tamburino ( 2003 ), et ses percussions appellent le visiteur à entrer et découvrir une des pièces magistrales de Cattelan : La Nona Ora (1999). Cette oeuvre majeure du XXème siècle s’offre ici dans une grandiose mise en scène : la figure du pape Jean – Paul II, porteur de la croix, face au poids du monde se retrouve foudroyé par une météorite, force naturelle et absurde tombée du ciel. En pénétrant dans l’Enfilade des salons, l’oeil du spectateur vient se focaliser sur une silhouette agenouillée face à un mur, celui de la dernière salle.
Maurizio Cattelan, Him, 2001 / Résine polyester, cire, cheveux humains, vêtements, chaussures / Photo : Zeno Zotti
Ce n’est qu’au terme de son parcours dans les salons du bord de Seine, après des va-et-vient constants, entre surpri se et recueillement, que le visiteur s’approche avec la plus grande intensité de l’oeuvre Him ( 2001 ). Vu de dos : un enfant en train de se recueillir dans une petite salle, seul ; de face : la figure du Mal. L’art ne provient pas tant de l’inspiration que des obsessions et craintes auxquelles nous sommes confrontées chaque jour ». Cette exposition offre aux connaisseurs un nouveau regard sur l’oeuvre de Cattelan et permet aux néophytes de découvrir un artiste « marqueur » de ce début de XXIème siècle. On y retrouve les grands questionnements de l’humanité : l’amour, le double, le mal, le vide, la mémoire, la mort, le paradoxe, l’infini…
La Monnaie de Paris
Depuis 2008, la Monnaie de Paris a vu passer Daniel Buren, Tadashi Kawamata, Jean Prouvé, David Lachapelle… En 2014 une nouvelle Direction est consacrée à l’art et à la culture contemporaine qui donne vie en 2014 à la Chocolate Factory de Paul McCarthy et au Musée d’Art Moderne. De grands événements sont aussi organisés à l’échelle de la ville avec le Concert pour hélicoptères de Stockhausen, John Baldessari et Matthew Barney mais aussi la plus jeune génération tels que Mohamed Bourouissa/Booba. Cette ouverture de la Monnaie de Paris sur la création contemporaine se prolonge par des collaborations avec de grands créateurs qui signent des collections monétaires (Philippe Starck, Karl Lagerfeld, Sempé), avec son conseiller artistique pour les médailles, Christian Lacroix ou encore avec de grandes maisons de luxe (Chanel, Cartier, Baccarat, Goyard, Hermès, Cité de la céramique de Sèvres…). Fondée en 864, la Monnaie de Paris est doyenne des institutions françaises. Ses ateliers d’art parisiens sont installés depuis 1775.
La Monnaie de Paris accueille le restaurant gastronomique de Guy Savoy depuis 2015.
Not Afraid of Love à la Monnaie de Paris, 11, Quai de Conti 75006 Paris – jusqu’au 8 janvier 2017
www.monnaiedeparis.fr