L’œuf à l’oranger -1911 – arbre topiaire, fruits fleurs, feuilles en diamant, améthyste, rubis et citrine / Œuf au coucou, au sommet, un coq apparaît, s’ébroue, picore…/ Œuf pendulette, la langue du serpent enroulé indique l’heure.

 

Dans le cadre fastueux du palais Shuvalov construit à la fin du XVlllème siècle et réaménagé entre 1844 et 1846 pour le comte Pyotr Shuvalov, la collection réunit plusieurs chefs-d’œuvre de la célèbre maison de joaillerie Fabergé dont 9 œufs de Pâques offerts à la famille impériale. Avec près de 4’000 objets d’art exposés, dont 200 objets de Fabergé et de remarquables créations en émail cloisonné de Feodor Rückert, maître émailleur russe, le musée illustre toute l’histoire des orfèvres russes au service des Tsars.

Le style Fabergé c’est un apport de tradition bysantine, d’Art nouveau, une maîtrise technique impeccable, le savoir-faire des créateurs d’icônes, une richesse des matériaux utilisés : or, argent, cristal transparent ou coloré, pierres précieuses et semi-précieuses.

Le père de Pierre-Karl, orfèvre, issu d’une famille huguenote française –, fonde la Maison Fabergé en 1842. En 1885, Carl Fabergé propose au tsar Alexandre III en guise de cadeau pour la fête de Pâques à son épouse Maria Feodorovna un œuf en émail incrusté d’or, d’argent et de pierres précieuses. Le succès est tel qu’il sera nommé fournisseur de la cour impériale. Le joaillier proposera pendant onze années un nouveau modèle d’œuf. En Russie, il est de tradition d’offrir des oeufs décorés – et trois baisers accolades – au moment de la Pâque qui est la plus grande fête du calendrier orthodoxe.  Le tsar Nicolas II perpétuera la tradition et offrira des œufs-bijoux à son épouse et à sa mère Maria Feodorovna (Photo ci-contre : œuf offert par Nicolas II à l’impératrice Alexandra en 1911).

Dans les années 1880, les luxueuses créations de Carl Fabergé valent à ce dernier d’être la coqueluche de la cour impériale et de la haute société jusqu’à la Révolution qui le condamnera à l’exil.

En 1898, pour un peu plus de 407’000 roubles, Carl Fabergé se rend propriétaire de l’immeuble au 24 rue Bolshaya Morskaya, à Saint-Petersbourg. Le rez-de-chaussée a été conçu pour le magasin. Il y avait légalement le bureau de comptabilité, les studios des dessinateurs, des sculpteurs, une collection de modèles et des ateliers. L’étage supérieur comptait 15 pièces.

L’Œuf au muguet, 1898, fleur préférée de la Tsarine Alexandra Feodorovna / Œuf avec coq / 1916, Œuf à la croix de Saint-Georges. Commandé pour commémorer l’Ordre impérial et militaire attribué à l’empereur Nicolas et son fils Alexis Nikolaïevitch. Mis en vente en 1960, il a rejoint le palais Shuvalov.

 

Outre les 54 œufs impériaux, dix-sept autres œufs de Fabergé seront commandés par quelques clients privés, tels la duchesse de Marlborough, la famille Rothschild et le Prince Youssoupov. 43 œufs existent encore et sont disséminés entre la Russie, l’Angleterre, dans des collections privées… 13 œufs sont exposés derrière les vitrines du musée Fabergé, dont 9 œufs impériaux.

Chacun de ces œufs est unique et laisse découvrir à l’intérieur des scènes allégoriques, des portraits, ou des reproductions miniatures telles que le Transsibérien avec tous ses wagons, le palais de Tsarskoïe Selo… Seule obligation : que chacun contienne une « surprise » rappelant l’histoire de la famille impériale. Une fois le dessin ou modèle approuvé par  Carl Fabergé, le travail était réalisé par toute une équipe d’artisans. Sortaient aussi des ateliers Fabergé des bijoux, des services de thé en argent,  bonbonnières, étuis à cigarettes, bols en jade… Les Fabergé exerçaient à Saint-Pétersbourg, avant d’avoir une succursale à Moscou en 1887, puis d’autres à Kiev, Odessa et Londres.

A la révolution de 1917, les ateliers Fabergé sont nationalisés et convertis en fabriques d’armes de guerre. Les ouvriers sont envoyés au front. Carl Fabergé et sa famille prennent le chemin de l’exil. Le célèbre joaillier s’éteint en Suisse en 1920, à l’âge de 74 ans.

Dans l’ancien atelier-boutique de la maison Fabergé, la tradition se perpétue à travers des œufs pendentifs très appréciés. Les œuvres de Fabergé sont de moins en moins vendues dans des ventes privées comme celles de Christie’s, car de plus en plus difficiles à trouver. Grâce à la générosité de certains mécènes russes, une grande partie des objets précieux réalisés par Carl Fabergé ont été rachetés et sont revenus en Russie.
En 2014, un œuf Fabergé réapparaît, acheté quelques années plus tôt par un jeune Américain sur un marché d’antiquaires du Midwest des Etats-Unis. Les spécialistes ont pu authentifier ce petit objet de 8,2 cm contenant une montre de la marque suisse Vacheron Constantin.

Le musée privé, situé dans le palais Shuvalov (ou Chouvalov) de Saint-Pétersbourg, sur le quai Fontanka, appartient au célèbre milliardaire russe Victor Vekselberg. A demi détruit au milieu des années 2000, il a été restauré et inauguré en 2013. Les intérieurs historiques, uniques en leur genre, ont été remis à neuf, ce qui a exigé un investissement de 1,2 milliard de roubles.

 

Plusieurs autres musées disposent d’œufs de Fabergé dans leur collection, notamment aux Etats-Unis : le Metropolitan Museum of Art (New York), le musée Hillwood (Washington) ou encore le musée des Beaux-Arts de Virigina (Richmond). Le Palais des Armures du Kremlin, à Moscou, compte également 10 œufs de Fabergé dans sa collection.

Un autre musée consacré aux créations de Fabergé a été ouvert en 2009 à Baden-Baden (Allemagne), par Alexander Ivanov, un collecteur d’art. En plus des œufs, on recense plus d’une centaine de créations de l’atelier Fabergé dans ce musée.

 

Texte et photos : Françoyse Krier

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