Irina Lankova portrait steinway hall lausanne

Devant un parterre de mélomanes avertis, Armando Piguet Directeur de Hug Musique SA annonçait un événement célébré ce jour du 15 juin 2017. En effet depuis l’ouverture du Steinway Hall Suisse Romande en 1999, le 75ème concert était organisé en ce lieu et ce, avec deux perles présentées en exclusivité : le piano Steinway & Sons, modèle D- 274, présent dans 95 % des grandes salles de concert du monde entier, et défini comme le plus apprécié des grands pianistes et maîtres au niveau planétaire. La fabrication de ce modèle, comprenant quelque 12’000 pièces, dure environ 13 mois, la part du travail effectué à la main représentant plus de 80 %.

Un joyau touchant au sublime
La seconde perle découverte ce soir-là, est une artiste exceptionnelle, pianiste rayonnante, au regard clair parfois empreint de mélancolie. D’origine russe, établie en Belgique, Irina Lankova s’est arrêtée à Lausanne, dans le cadre de sa tournée en Suisse, présentant un concept créé en 2016, dans l’esprit d’innover la présentation de la musique classique, intitulé « Piano dévoilé – concert raconté ».

Née en Russie et diplômée de l’Ecole Gnessine à Moscou et du Conservatoire Royal de Bruxelles, Irina Lankova a suivi les enseignements des grands maîtres (Lev Naumov, Vladimir Tropp, Evgeni Mogilevsky…) et a joué dans des salles prestigieuses telles que Wigmore Hall à à Londres, Flagey à Bruxelles, Französischer Dom à Berlin, Salle Gaveau à Paris et Cidades das Artes à Rio et participé à de nombreux festivals internationaux. En 2008, Irina Lankova fut invitée à rejoindre l’élite mondiale des Artistes Steinway, rejoignant ainsi Christian Zacharias, les sœurs Labèque, Krystian Zimerman, Mikhail Rudy, Thierry Lang… et tant d’autres merveilleux artistes.

Egalement productrice de concerts en Belgique et en France, Irina Lankova participe à des conférences sur la musique classique. Elle est la directrice artistique du festival International de musique Max van der Linden en Belgique et fondatrice de Lime & Honey, plateforme reliant les actions artistiques et humanitaires.

Irina Lankova portrait steinway hall lausanne les mains

Irina Lankova portrait steinway hall lausanne détail mains

Irina Lankova au steinway hall lausanne juin 2017Délicatesse et charisme
Ce soir du 15 juin, Irina Lankova avait choisi de jouer des œuvres de Franz Schubert, « le premier des romantiques » et de Sergueï Rachmaninov, enrichies par des explications personnelles.

Ainsi le public a pu suivre, entre autres, les personnages décrits dans Erlkönig sur le rythme effréné de Schubert (transcription de F. Liszt), et à partager les états d’âme exprimés par la personne regardant le coucher de soleil sur les vagues dans Auf dem Wasser zu singen

Rachmaninov était âgé d’à peine 19 ans lorsqu’il a écrit Elegie et toute la nostalgie et la puissance de l’âme slave sont contenues dans ses Préludes. Vocalise op. 34 n° 14 fut magnifiquement interprèté, en final, avant un rappel du public tombé sous le charme de cette artiste toute de finesse et harmonie, bras se soulevant au fil des notes telles les ailes déployées d’un cygne, pointe de chaussure et talon dépassant joliment de la robe dont les paillettes luisaient à chacun de ses gracieux mouvements…

Le concert se termine sur des paroles de Rachmaninov, exprimant, en 1932, le but premier de sa musique : « Qu’est-ce que la musique ? Comment la définir ? La musique est une calme nuit au clair de lune, un bruissement de feuillage en été. La musique est un lointain carillon au crépuscule ! »

Pourquoi votre préférence pour Franz Schubert ?
C’est l’un de mes compositeurs préférés.  J’ai une fascination pour sa musique depuis toujours et pendant longtemps je n’ai pas osé l’aborder sur scène. Parce que cela m’impressionnait trop et me semblait trop fin, comme si on allait toucher quelque chose de tellement fragile, de tellement délicat et subtil… Au fur et a mesure que j’avançais dans sa musique, j’avais ce besoin de la jouer sur scène et j’y prends beaucoup de plaisir. Je  trouve qu’il y a toujours quelque chose de merveilleux qui ressort de sa musique, quelque chose de tellement fin que nous les mortels on s’élève, on plane un peu au-dessus de tout cela.  Difficile à expliquer avec des mots et je cherche toujours le son approprié… J’apprécie aussi Rachmaninov dont la musique contient de la  poésie avec une tout autre densité.

Rachmaninov, beaucoup de similitude avec Gershwin…
Oui, surtout à la fin de sa vie. Influence du passage du siècle oblige… Mais on ne peut pas se tromper car Rachmaninov possède un langage bien à lui. C’est ce que j’essaie d’expliquer quand je raconte ce côté russe où sont contenues énormément de spleen, de tristesse profonde, presque fondamentale chez les auteurs russes. (Chagrin en russe est du genre féminin, souffle Irina). Héritage culturel, dans les gênes, que l’on retrouve aussi dans la littérature russe où, par exemple, les personnages de Dostoïevski vivent les choses tellement profondément, dans la désespérance… Mais ce n’est guère déprimant. Après avoir écouté cette musique qui ne nous alourdit pas, nous nous sentons bien.

Les préludes de Rachmaninov sont tous différents. Certains tristes, d’autres plus enjoués. Un peu comme ceux de Chopin…
On peut comparer ces Préludes aux tableaux d’une exposition. On s’arrête, on regarde, on s’imprègne de ce qu’on reçoit et puis on passe à un autre, complètement différent, pourtant du même auteur.
Les préludes de Chopin consistent en un cycle, un chemin prévu par le compositeur. On doit donc passer par les 24 Préludes. Ceux de Rachmaninov peuvent se jouer sans respecter leur ordre chronologique. J’ai parfois interprété tout le cycle des Préludes en un seul concert, mais cela s’avère un peu long pour le public. Je préfère construire un cycle de 3 ou 5 morceaux à chaque fois différents. On a ainsi un spectre émotionnel et esthétique. 

Comment est né le concept que vous présentez ?
Cela s’est fait progressivement. Au début, on m’a demandé de commenter ce programme. Puis sur le conseil d’amis mélomanes, je me suis lancée sur une explication du concept de création de l’œuvre que j‘interprétais. C’est passionnant, m’a-t-on dit, car cela donne une tout autre dimension de cet univers qu’est la musique. Cela ouvre des portes et m’a encouragé à poursuivre ce concept. Il est important de situer le temps. Je joue parfois devant des jeunes. Au début ce sont des chuchotements puis à la fin, plus personne ne bouge. Je leur inculque que cela fait partie de notre héritage en tant que race humaine. Si demain un extraterrestre descend et demande de lui raconter notre civilisation, que vont-ils lui citer ? Il y aura forcément des chefs d’ouvre de la Renaissance, la musique de Bach… Ma mission est de continuer à faire exister les émotions apportées par la musique, parce que sans interprète la musique n’existerait pas et resterait une partition… C’est important de le leur expliquer car cela éveille leur curiosité. Car comme dans tout, il y a des choses que ces jeunes aimeront ou n’aimeront pas, ce qui est normal.

Irina Lankova au piano steinway hall lausanne juin 2017 concert Irina Lankova steinway hall lausanne juin 2017 Irina Lankova steinway hall lausanne en juin 2017 Irina Lankova steinway hall lausanne juin 2017saluant le publicAvez-vous abordé de la musique contemporaine ?
Cela m’arrive parfois. C’est plutôt rare et si je ne me focalise pas là-dessus, je suis ouverte à toutes expériences. Je constate cependant que la tendance des compositeurs d’aujourd’hui est de revenir à la musique mélodieuse, qui vient du cœur. Ce que je ne suis pas intéressée d’entendre jouer de la musique qui vient de la tête.
Quand je joue, je ne dois pas oublier que si je suis trop impliquée, si je n’ai plus de contrôle, je ne serai pas un bon vecteur. Scriabine, compositeur que j’aime beaucoup, dégage plus que des émotions, des états d’âme encore plus élevées qui nous emportent dans des sphères spirituelles… 

Votre parcours depuis la Russie…
J’ai commencé le piano assez tard, à 7 ans, en Russie. Puis le circuit habituel, avec conservatoire, avant le départ à Bruxelles à 19 ans. C’était presque un hasard que tous mes professeurs étaient russes. Je recherchais l’ouverture des cultures (Irina parle russe, anglais, français), et me sens chanceuse d’avoir pu acquérir cette expérience internationale. J’aime beaucoup la musique de chambre dont le répertoire est vaste. Je ne m’exprime pas encore en allemand, mais me sens attirée par la culture germanique, les romantiques allemands, Brahms, Schumann, en parallèle avec la littérature allemande dont je me sens très proche…

Un morceau de prédilection ?
Cela dépend. J’apprécie une oeuvre pendant un temps, avant de passer à autre chose. Peut-être une œuvre m’accompagnera-t-elle à vie : les Variations Goldberg, de Bach, un monument pour les pianistes ! Même si je l’ai déjà joué et le jouerai encore, je ne m’ennuie jamais en sa compagnie, tant il possède en lui de richesse ! C’est un Everest dont on n’arrive jamais au sommet, que j’emporterai avec moi sur une île déserte, sur la lune …

Irina Lankova et Armando Piguet, directeur de Hug Musique SAIrina Lankova en compagnie de Messieurs Olivier Mancassola, Directeur des «Editions Mancassola à Lausanne», et Olivier d’Agay, petit-neveu d’Antoine de Saint-Exupéry Votre contact avec la Suisse ?
Je suis déjà venue en Suisse et j’apprécie l’accueil très chaleureux du public, ainsi que son intérêt et son enthousiasme, et l’excellence des pianos. J’y reviendrai avec plaisir !

Irina Lankova termine l’interview avec la suite de la phrase de Sergeï Rachmaninov que la pianiste, par délicatesse, n’a pas voulu citer en fin de concert, ne souhaitant pas terminer sur une note triste :« La musique vient droit du cœur et ne parle qu’au cœur ; elle est Amour ! La sœur de la musique est la poésie, et sa mère est… le chagrin ! »…

emblème de Steinway & Sons Steinway Piano Gallery Lausanne
Hug Musique SA
Rue Adrien-Pichard 13
1003 Lausanne
Tel. (0041) 21 310 48 27

https://www.hugmusique.ch/steinway-piano-gallery-lausanne

http://www.irinalankova.com

Texte et photos : Françoyse Krier

Visuels en fin d’article :
Irina Lankova et Armando Piguet, directeur de Hug Musique SA
Et en compagnie de Messieurs 
Olivier Mancassola, Directeur des «Editions Mancassola à Lausanne», et Olivier d’Agay, petit-neveu d’Antoine de Saint-Exupéry et Directeur de la « Succession Saint-Exupéry d’Agay ».

 

Voir aussi visite des ateliers Steinway & Sons à Hambourg  :
https://www.fykmag.com/hambourg-visite-des-ateliers-steinwaysons-rolls-royce-des-pianos/

Version en russe  Favorit_F.Krier

https://www.fykmag.com/wp-content/uploads/2017/06/Favorit_F.Krier_.pdf

 

 

 

 

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